“Marx était un révolutionnaire. Mais il tenait compte de la réalité qu’il étudiait, ‘en détail’, avec le plus grand soin. Il explique lui-même les raisons qui lui ont fait consacrer une grande partie du ‘Capital’ à l’étude de la législation ouvrière. “Il ne faut point se faire d’illusions. De même que la guerre de l’indépendance américaine au dix-huitiéme siècle a sonné la cloche d’alarme pour la classe moyenne en Europe, de même la guerre civile américaine au dix-neuvième siècle a sonné le tcosin pour la classe ouvrière européenne. En Angleterre, la marche du bouleversement social est visible à tous les yeux; à une certaine période, ce bouleversement aura nécessairement son contre-coup sur le continent. Alors il revêtira dans son allure des formes plus on moins brutales ou humaines, selon le degré de développement de la classe de travailleurs. Abstraction faite des motifs plus élevés, leur propre intérêt commande donc aux classes régnantes actuelles d’écarter tous les obstacles légaux qui peuvent gêner le développement de la classe ouvrière. C’est en vue de ce but que j’ai accordé dans ce volume une place si importante à l’histoire, au contenu et aux résultats de la législation anglaise sur les grandes fabriques. Une nation peut et doit tirer un enseignement de l’histoire d’une autre nation. Lors même qu’une société est arrivée à découvrir la piste de la ‘loi naturelle qui préside à son mouvement’, – et le but final de cet ouvrage est de dévoiler la loi moderne, – elle ne peut ni dépasser d’un saut ni abolir par des décrets les phases de son développement naturel. Mais elle peut abréger la période de la gestation, et adoucir les maux de leur enfantement. Marx se défend contre toute excitation à la haine: “Pour éviter des malentendus possibles, encore un mot. Je n’ai pas peint en rose le capitaliste et le propriétaire foncier. Mais il ne s’agit ici de ‘personnes’, qu’autant qu’elles sont ‘personnification de catégories économiques’, les ‘supports d’intérêts et de rapports de classes déterminés’. Mon point de vue, d’après lequel le ‘développement de la formation économique de la société’ est ‘assimilable à la marche de la nature et à son histoire’, peut moins que tout autre rendre l’individu responsable des rapports dont il reste socialement la créature, quoi qu’il puisse faire pour s’en dégager” [Aa.Vv., ‘Encyclopedie socialiste syndicale et cooperative de l’Internationale Ouvriere’, Paris, 1913]