“Une bourgeoisie divisée en deux fractions monarchistes dynastiques (1), mais qui demandait avant toute chose le calme et la sécurité pour ses affaires financières; en face d’elle, un prolétariat vaincu, il est vrai, mais toujours menaçant et autour duquel petits bourgeois et paysans se groupaient de plus en plus – la menace continuelle d’une explosion violente qui, malgré tout, n’offrait aucune perspective de solution définitive, – telle était la situation qu’on aurait dit faite pour le coup d’Etat du troisième larron, du prétendant pseudo-démocratique Louis Bonaparte. Se servant de l’armée, celui-ci mit fin le 2 décembre 1851 à la situation tendue, assurant bien à l’Europe la tranquillité intérieure, mais la gratifiant, par contre, d’une nouvelle ère de guerres. La période des révolutions par en bas était close pour un instant; une période de révolutions par en haut lui succéda. La réaction impériale de 1851 fournit une nouvelle preuve du manque de maturité des aspirations prolétariennes de cette époque. Mais elle devait elle-même créer les conditions dans lesquelles celles-ci ne pouvaient manquer de mûrir. La tranquillité intérieure assura le plein développement du nouvel essor industriel, la nécessité d’occuper l’armée et de détourner vers l’extérieur les courants révolutionnaires engendra les guerres où Bonaparte chercha, sous le prétexte de faire prévaloir le «principe des nationalités», à ramasser quelques annexions pour la France. Son imitateur Bismarck adopta la même politique pour la Prusse; il fit son coup d’Etat, sa révolution par en haut en 1866 face à la Confédération allemande et à l’Autriche, et tout autant face à la Chambre des conflits de Prusse. Mais l’Europe était trop petite pour deux Bonaparte, et l’ironie de l’histoire voulut que Bismarck renversât Bonaparte et que le roi Guillaume de Prusse instaurât non seulement le petit Empire allemand, mais aussi la République française. Or, le résultat général fut qu’en Europe l’indépendance et l’unification interne des grandes nations, à la seule exception de la Pologne, furent établies en fait. A l’intérieur, il est vrai, de limites relativement modestes – mais néanmoins dans des proportions suffisantes pour que le processus de développement de la classe ouvrière ne trouvât plus d’obstacles sérieux dans les complications nationales. Les fossoyeurs de la révolution de 1848 étaient devenus ses exécuteurs testamentaires. Et à côté d’eux se dressait déjà menaçant l’héritier de 1848, le prolétariat, dans l’Internationale” [Friedrich Engels, Introduction, Londres, le 6 mars 1895] [(in) Karl Marx Friedrich Engels, Les luttes de classes en France, 1848-1850. Suivi de ‘Les journées de juin 1848’ par Friedrich Engels. Editions Sociales, Paris, 1948, introduzione di Friedrich ENGELS (6 marzo 1895), note appendice: ‘Les journées de juin 1848’ di Friedrich Engels; Collection “Les éléments du communisme”] [(1) Il s’agit des légitimistes, partisans de la monarchie « légitime » des Bourbons qui fut au pouvoir jusqu’à la Révolution de 1789 et pendant, la Restauration (1815-1830), et des orléanistes, partisans de la dynastie des Orléans qui vint au pouvoir au moment de la révolution de juillet 1830″et qui fut renversée par la révolution de 1848. Les premiers étaient les représentants de la grande propriété foncière, les seconds de la banque (N.R.)]
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- Articolo pubblicato:7 Aprile 2016