“Au cours de XIXe siècle, qui a vu un formidable développement du capitalisme, des crises n’en sont pas moins apparues tous les dix ans en moyenne. Le XXe siècle a eu aussi le siennes, dont la plus importante et la dernière à avoir eu une portée mondiale fut la grande crise de 1929 à 1933. La périodicité des crises économiques a conduit à la notion de «cycle économique»: le dévelopment capitaliste se poursuit, non selon un mouvement continu, mais à travers des fluctuations qui tendent à se reproduire à intervalles plus ou moins réguliers. La description (mais non l’explication) du cycle est à peu près la suivante: à une période de prospérité succède brutalement una chute rapide comportant faillites, fermetures d’entreprises et fort gonflement du chômage, baisse des prix et disparition des profits. Puis la crise devient dépression, c’est-à-dire qu’elle prend une sorte de vitesse de croisière avec stagnation de la production à un niveau très bas et marasma général, jusqu’à ce que s’amorce une reprise, non pas brutale come fut l’apparition del la crise mais progressive et présentant les caractères inverses. Cette reprise graduelle  finit par déboucher sur un essor nouveau qui tend à s’accélérer, avec un vif accroissement de la production et des échanges, une poussée d’in vestissements, etc. (…). Bien entendu, ceci est un schéma général dessiné à traits grossiers, et dans la réalité on n’a jamais vu une crise qui  soit l’exacte reproduction d’une précédente. Mais les caractères principaux communs à toutes les crises appelent deux questions auxquelles il n’est d’ailleurs pas simple de répondre: 1. quelle est la cause générale des crises, c’est-a-dire du dérèglement du mécanisme d’accumulation du capital? 2. comment s’explique l’absence de crise généralisée depuis 1933? On ne saurait  répondre à la première question sans se référer à l’analyse de Marx lui-même, qui constate que toute la production des biens matériels se répartit nécessairement entre les deux grandes sections suivantes: Section I: cette qui a pour objet la production des moyens ou biens de production (installations et équipements productifs, machines, matières premières et auxiliaires…), autrement dit tous les biens qui servent à en produire d’autres. Section II: celle qui a pour objet la production des biens de consommation, c’est à dire des biens de toutes sortes que l’homme consomme vite ou lentement pour satisfaire ses besoins. (…) Le classement des productions matérielles de l’homme entre les sections I et II ci-dessus est un classement effectué en fonction des valeurs d’usage ou encore de l’utilisation de ces productions. Mais si c’est bien en effet la valeur d’usage qui motive l’échange des marchandises (…), c’est par contre la valeur d’echange exprimée par le prix qi détermine les conditions de cet échange et même parfois le conditionne purement et simplement: je ne puis acheter telle marchandise dont j’ai besoin que si je détiens le pouvoir d’achat nécessaire. C’est sur la prise en considération, dans leur rapports réciproques, des notions de valeur d’usage et de valeur d’échange que Marx a fondé son analyse et ses schémas. Autrement dit, des corrélation doivent exister, aussi bien pour les productions de la section I que pour celles de la section II, entre les quantités de marchandises offertes à l’échange et ce qu’on appelle la «domande solvable». Le pouvoir d’achat susceptible de permettre l’échange de toutes les marchandises offertes sur le marché doit être en outre un pouvoir d’achat immédiatement disponible. Or dans la réalité, le pouvoir d’achat disponible à un moment donné ne correspond pratiquement jamais au pouvoir d’achat alors effectivement distribué (salaires) ou réalisé (plus-value), parce que le crédit et l’épargne ont pour effet d’avancer ou de reculer dans le temps l’utilisation du pouvoir d’achat. Ces indications visent simplement à faire comprendre que la coïncidence permanente, et aussi exacte que possible, d’une certaine quantité de moyens monétaires également disponibles ne saurait être obtenue que par le jeu correct de diverses règles et la réalisation de divers équilibres (économiques, financiers, monétaires), parmi lesquels l’équilibre entre les sections I et II est fondamental. Or, dans le mode de production capitaliste, la production est privée et est régie par les lois de la lutte et de la concurrence. Le développement inégal (à l’interieur de secteurs, de secteur à secteur, entre les régions et entre le pays), fruit de la recherche du profit maximum, est une des constantes du système. Le moteur de la production est le profit individuel d’entreprise et non le devéloppement harmonieux de l’économie générale” [Pierre Jalée, L’exploitation capitaliste. Initiation au marxisme, Paris, 1981]