“L’homme doit retrouver le goût du travail grâce à une “activité pratique universelle” (C. p. 67), à la diversité et à l’alternance continue des tâches et activités. “La société en se rendant maîtresse de tous les moyens de production pour les utiliser systématiquement et socialement, détruit l’asservisement antérieur de l’homme à ses propres moyens de production. Elle ne peut, cela va sans dire, se libérer sans que soit libéré chaque individu” (C. p. 68). Le socialisme sera cette organisation de la production dans laquelle, d’une part, aucun individu ne peut se décharger sur d’autres de sa part de travail productif; où d’autre part le travail productif, au lieu d’être moyen d’asservissement, devient moyen de libération des hommes, en offrant à chaque individu le moyen de se réaliser, d’affirmer dans le travail toutes oeuvre dans toutes les directions l’ensemble de ses facultés physiques et intellectuelles. De fardeau qu’il était le travail doit devenir source de satisfaction intérieure et de dépassement. “Cela n’est plus aujourd’hui pure imagination ou simple voeu” (C. p. 69), dit Engels. Avec le développement actuel des forces productives, et le progrès que l’on peut escompter de la socialisation des moyens de production, l’élimination des entraves et des pertubations qui résultent du capitalisme, on peut envisager d’ores et déjà ainsi que des mesures visant à pallier les effets négatifs de la parcellisation du travail sans réduire pour autant sa productivité. L’évolution du machinisme se rebelle contre la vieille division du travail. Puisque le perfectionnement des machines facilite l’apprentissage des manipulations nécessaires à leur bon fonctionnement, on peut désormais envisager des travailleurs facilement interchangeables à tel ou tel poste et une polyvalence de chaque travailleur assurant l’alternance de chacun à des postes multiples. Prévoyant avec une incomparable lucidité un avenir qui est devenu notre vie quotidienne tissée de tous les problèmes d’une économie surindustrialisée, Marx écrivait dans ‘Le Capital’: “La nature de la grande industrie nécessite donc le changement dans le travail, l’instabilité des fonctions, la mobilité en tous sens de l’ouvrier” (C. p. 70). Bien sûr dans le contexte du capitalisme c’est l’insécurité accrue pour le travailleur, “le gaspillage démesuré des forces de travail” (C. p. 71). Mais ce revers négatif comporte un endroit prometteur: “La grande industrie…fait une question de vie ou de mort de reconnaître… dans la plus grande diversité d’aptitudes du travailleur, une loi sociale générale de la production et d’adapter les circonstances à la réalisation normale de cette loi” (C. p. 71). Ces circonstances, c’est l’instauration d’une économie socialiste qui remplacera l’individu morcelé, “simple exécutant d’une fonction sociale de détail” (C. p. 71), par un individu à formation large, aux capacités pleinement développées et capable de donner, dans de fonctions alternées, un libre essor à la diversité de ses aptitudes naturelles ou acquises. La production capitaliste a entraïné la concentration urbaine et le dépeuplement des campagnes, mais ce phénomène n’est pas une fatalité liée à la grande industrie. Une économie planifiée pourrait assurer un développement plus harmonieux de toutes les regions d’un pays. De même “la suppression de l’opposition entre ville et campagne n’est donc pas seulement possible, elle est devenue une nécéssité directe de la production industrielle même, ainsi qu’une nécessité de la production agricole et, en outre, de l’hygiène publique. Ce n’est que par la fusion de la ville et de la campagne qu’on peut mettre fin à l’empoisonnement actuel de l’air, de l’eau, du sol”. (C. p. 73). Voilà qui ne peut manquer de réjouir nos écologistes modernes. Mais le mérite d’Engels est d’avoir jeté le cri d’alarme en 1876, il ya a juste un siècle. Il annonce aussi le déclin inéluctable des grandes villes. Mais pour le moment la sociologie contemporaine ne confirme pas sa prophétie” [Paul Seff: ‘Engels’] [(in) ‘Les Grands Révolutionnaires. Les Socialistes Scientifiques. La cité ideale’, Romorantin, 1978]