“La guerre a engendré, dès début, non pas la crise du capitalisme (dont les symptômes n’étaient perceptibles qu’aux esprits les plus perspicaces de la bourgeoisie comme du prolétariat), mais la faillite de l’Internationale “socialiste”. Il est impossible d’expliquer ce phénomène, de façon tant soit peu satisfaisante, en se basant exclusivement, comme beaucoup l’ont fait, sur l’analyse des rapports internes dans chaque pays. La faillite du mouvement prolétarien découle de la diversité de situation des “trusts capitalistes nationaux” dans le cadre de l’économie mondiale. De même qu’il est impossible de comprendre le capitalisme moderne et sa politique impérialiste sans procéder à l’analyse de la tendance du capitalisme mondial, de même il est indispensable de partir de cette analyse dans la recherche des tendances fondamentales du mouvement prolétarien”. (…) “Marx et Engels voyaient dans l’Etat l’organisation de la classe dominante, écrasant par le fer et dans le sang la classe opprimée. Ils supposaient que, dans la société future, il n’y aurait plus de classes. Certes, pour l’époque transitoire de la dictature du prolétariat où, momentanément, celui-ci constitue la classe dominante, ils insistaient (avec raison) sur la nécessité d’un appareil d’Etat spécial pour mater les classes renversées. Mais ils haïssaient l’appareil d’Etat oppresseur et, de ce point de vue, ils se livraient  à une critique impitoyable des lassalliens et autres “hommes d’Etat”. Il est certain que ce point de vue révolutionnaire est en rapport avec la thèse bien connue du ‘Manifeste Communiste’: les prolétaires n’ont pas de patrie. Les epigones socialistes du marxisme ont relégue aux archives la position révolutionnaire de Marx et Engels. Ils y ont substitué la théorie du “véritable patriotisme”, du “véritable étatisme”, qui d’ailleurs ressemblent comme deux gouttes d’eau au patriotisme traditionnel et à l’étatisme routinier de la bourgeoisie dominante. Cette psychologie c’est formée organiquement de la coparticipation du prolétariat à la politique impérialiste des trusts capitalistes nationaux. (…) La guerre brise la dernière chaîne qui attachait les ouvriers à leurs maîtres – la soumission esclave à l’Etat impérialiste. La dernière forme d’étroitesse de vues du prolétariat: son étroitesse nationale, son patriotisme, est en train de s’évanouir. Les intéréts momentanés, les avantages passagers qui’il trouvait dans le pillage impérialiste et dans les liens le rattachant à l’Etat impérialiste reculent à l’arrière-plan devant les intérêts permanents et généraux de l’ensemble de sa classe, devant l’idée de la révolution sociale du prolétariat international qui, les armes à la main, renverse la dictature du capital financier, brise son appareil gouvernemental et organise un pouvoir nouveau: le pouvoir des ouvriers contre la bourgeoisie. A l’idée de défense ou d’extention des frontières de l’Etat bourgeois, qui paralyse le dévelopment des forces productives de l’économie mondiale, se substitue le mot d’ordre de la suppression des frontières nationales et de la fusion des peuples en une seule famille socialiste. Ainsi, après des recherches douloureuses, le prolétariat acquiert la notoni de ses véritables intérêts, qui l’acheminent au socialisme par la révolution” [Nikolai Bucharin (Boukharine), ‘L’économie mondiale et l’impérialisme. Esquisse economique’, Paris, 1928]