“Lorsqu’en été 1844 j’allai voir Marx à Paris, nous constatâmes notre complet accord dans toutes les questions théoriques; et c’est de cette époque que date notre collaboration. Quand nous nous retrouvâmes à Bruxelles, au principes de 1845, Marx avait déjà, d’après les principes ci-dessus, construit dans les grandes lignes sa théorie matérialiste de l’histoire, et nous nous mîmes à développer par le détail et dans les directions les plus diverses notre nouvelle conception. Mais, cette découverte, qui bouleverse la science historique et qui est, comme on le voit, essentiellement l’oeuvre de Marx, et dont je ne puis m’attribuer qu’une très faible part, était d’une importance directe pour le mouvement ouvrier de l’époque. Le communisme chez les Français et les Allemands, le chartisme chez les Anglais, n’avaient plus l’air de quelque chose de purement accidentel qui aurait pu tout aussi bien ne pas exister. A dater de ce moment, ces mouvements se présentaient comme un mouvement de la classe opprimée des temps modernes, le prolétariat, comme les formes plus ou moins développés de la lutte historiquement nécessaire du prolétariat contre la classe dirigeante, la bourgeoisie; comme les formes de la lutte de classe, mais différentes de toute les anciennes luttes de classe par ce point spécial: la classe opprimée actuelle, le prolétariat, ne peut réaliser son émancipation sans émanciper en même temps toute la société de la division en classes, sans l’émanciper par conséquent des luttes de classe. Par communisme, on n’entendait plus la construction; par un effort d’imagination, d’un idéal social aussi parfait que possible, mais la compréhension de la nature; des conditions et des buts généraux adéquats de la lutte menée par le prolétariat. Mais notre intention n’était nullement de chuchoter, au moyen de gros volumes, ces nouveaux résultats scientifiques aux oreilles du monde ‘savant’. Au contraire. Tous deux, nous étions déjà profondément engagés dans le mouvement politique, nous comptions un certain nombre de partisans parmi les intellectuels dans l’Ouest de l’Allemagne notamment, et nous étions largement en contact avec le prolétariat organisé. Nous avions l’obligation de donner à notre conception une base scientifique. Mais il ne nous importait pas moins de gagner à notre conviction le prolétariat européen, à commencer par celui d’Allemagne” [F. Engels, Introduction: ‘Quelques mots sur l’histoire de la Ligue des Communistes, 1885, in Karl Marx: Révélations sur le procès des Communistes à Cologne, traduction J. Molitor] [(in) D. Riazanof, ‘Introduction historique’, ‘Manifeste du Parti Communiste’ de Marx et Engels, A. Costes, Paris, 1953′]
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- Articolo pubblicato:5 Settembre 2014