“Marx a été l’un des premiers économistes à bien identifier ce qu’on appelle de nos jours le “cycle conjoncturel” (…). Le capitalisme n’a jamais échappé à ces mouvements toujours caractéristiques du capitalisme actuel. Ces hauts et bas de la production se combinent à des épisodes de perturbations financières plus ou moins sérieux, ce qui en modifie les modalités. Marx appelle “crises” les phases de contraction de l’activité, doublées de tels désordres financiers. Elle revêtent pour lui une importance particulière. Comme on l’a signalé dans la première section de ce chapitre, Marx pronostiquait, au moins en 1848, que ces crises allaient se multiplier et s’approfondir, suscitant des conditions favorables à un changement social révolutionnaire. Compte tenù de cette perspective politique, on aurait pu imaginer que Marx allait organiser sa démarche en faisant de l’analyse des crises un thème central. C’était bien son intention lorsqu’il écrivit l”Introduction générale’ de 1857. Dans les cinq points du plan envisagé, le dernier était “Le marché mondial et les crises” (PHI, 481). Mais, quelles qu’aient été ses intentions, il ne mena pas à terme ce projet. Dans ‘Le Capital’, le sujet de la crise apparaît de manière désordonnée, et on ne saurait soutenir que Marx en a donné un exposé systématique. Un travail de reconstruction est nécessaire. On ne “lit” pas la théorie des crises de Marx, on en prend connaissance au fil d’une lecture d’ensemble. (…) 2. Les crises périodiques, qui font passer successivement les affaires par des périodes d’animation moyenne, de précipitation, de crise, trouvent un fondement matériel dans le cycle pluriannuel de rotations (du capital) connectées les unes aux autres, au cours desquelles le capital est prisonnier de sa partie fixe. (…) la crise constitue toujours le point de départ d’investissements nouveaux et importants. Et pour la société dans son ensemble, on peut plus ou moins considérer que la crise fournit un fondement matériel au prochain cycle de rotation. 3. Surproduction de capital, et non de marchandises particulières – bien que la surproduction de capital suppose toujours une surproduction de marchandises (‘car la marchandise est une forme du capital’) – ne signifie donc rien d’autre que suraccumulation de capital. (…)” [Gérald Duménil, Economie] [in Gérald Duménil Michael Löwy Emmanuel Renault, Lire Marx, 2009]