“La querelle entre réformistes et révolutionnaires – notons que Jaurés cependant revendiquait ce dernier titre – avait une dimension internationale. En Allemagne, un ancien disciple de Marx, Eduard Bernstein, avait publié un livre où il mettait en question la doctrine du maître, notamment la théorie de la valeur, la marche inéluctable vers la concentration capitaliste, la polarisation de la société en deux classes radicalement antagonistes. Son adversaire principal au sein de la socialdémocratie, Karl Kautsky, défendait l’orthodoxie. Jaurés entre dans le débat, par le moyen d’une conférence prononcée à Paris. Il défend le marxisme contre son détracteur, expliquant que ses thèses centrales: la théorie de la valeur, la conception matérialiste de l’histoire, le processus dialectique, son toujours valables. Il ajoute que “le marxisme lui-même contient les moyens de compléter le marxisme, là où il faut”. En ce qui concerne la tactique, Jaurès n’est ni du côté de Bernstein, ni du côté de Kautsky. Il estime contre Bernstein que le prolètariat et la bourgeoisie sont radicalement antagonistes; mais il pense comme lui qu’il ne faut pas avoir peur des rencontres et des contacts multiples entre la classe prolétarienne et les autres classes. “Nous voulons la révolution, mais nous ne voulons pas la haine éternelle”. Le ton du débat entre ministériels et revolutionnaires ne baisse pas pour autant. Les guesdistes lancent un quotidien: ‘Le Petit Sou’, soutenu par un multimillionnaire excentrique, Alfred Edwards, qui, beau-frère de Waldeck Rousseau, cherchait à faire pièce à son existence ministérielle. Le 23 septembre 1900, la salle Wagram héberge 800 délégués au Ve congrès de la IIe Internationale. Ils votent sur la participation ministérielle un texte rédigé par Kautsky, où il était dit que l’entrée d’un socialiste isolé dans un gouvernement bourgeois ne peut être considérée “comme le commencement normal de la conquête du pouvoir politique, mais seulement comme un expédient forcé, transitoire et exceptionnel. Si dans un cas particulier, la situation politique nécessite cette expérience dangereuse, c’est là une question de tactique et non de principe”. C’était en somme faciliter les choses à Jaurès. Le Congrès des organisations socialistes françaises, qui succède dans la même salle au congrès international, n’en voit pas moins des affrontements violents” [Jean Rabaut, Jean-Pierre Rioux, ‘Jean Jaurés’] [(in) ‘Les Grands Révolutionnaires. Les Socialistes et l’exercice du Pouvoir. La justice dans la libertè’, Romorantin, 1978]
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- Articolo pubblicato:12 Febbraio 2016