“Durant la première période, à peu près jusqu’en août 1918, je participai activement aux travaux du conseil des commissaires du peuple. Pendant le temps que nous passâmes à Smolny, Lénine, avec une avidité impatiente, s’efforçait de répliquer par des décrets à toutes les questions posées sur les plans économiques, politiques, administratifs et culturels. Ce qui le guidait, ce n’était pas la passion d’une réglementation burreaucratique; c’était le dessin de donner au programme du parti l’extension qu’il devait prendre dans le langage du pouvoir. Il savait que les décrets révolutionnaires ne sont appliqués que dans une très petite mesure. Mais pour garantir l’exécution et la vérification, il aurait fallu compter sur un appareil fonctionnant exactemen, sur l’expérience et sur le temps. Or, personne n’aurait pu dire de combien de temps nous disposions. Les décrets, dans les premiers temps, avaient plus d’importance comme articles de propagande que comme textes administratifs. Lénine se hâtait de dire au peuple ce que c’était que le nouveau pouvoir, ce qu’ilvoulait et comment il se disposait à accomplir ses desseins. Il passait d’une question à une autre, merveilleusement infatigable, convoquait de petites conférences, demandait des références aux spécialistes et fouillait les livres lui-même. Je l’aidais. En Lénine existait un sentiment très puissant de l’hérédité dans la tâche entreprise. En grand révolutionnaire, il comprenait ce que c’est qu’une tradition historique. Il était impossible de prévoir si nous resterions au pouvoir ou si nous en serions rejetés. Il fallait, en tout cas, mettre le plus de clarté possible dans l’expérience révolutionnaire de l’humanité. D’autre viendront et, profitant de ce que nous avons indiqué et commencé, feront un nouveau pas en avant. Tel fut le sens du travail législatif de la première période. Dans les mêmes idées, Lénine réclamait, avec impatience, l’édition en russe des classiques du socialisme et du matérialisme. Il tâchait d’obtenir que le plus grand nombre possible de monuments révolutionnaires fussent posés, même les plus simples, des bustes, des plaques commémoratives dans toutes les villes et même dans les bourgs; il fallait fixer dans l’imagination des masses ce qui s’était passé et laisser un sillon aussi creusé que possible dans la mémoire du peuple” (pag 18-19) [Léon Trotsky, ‘Ma vie. Essai autobiographique. Tome troisième. Octobre 1917 – fin 1929’, Paris, 1930] [Lenin-Bibliographical-Materials] [LBM*] ‘