“Parfois, dans l’histoire de l’humanité, apparaissent des hommes qui, tels des flambeaux, éclairent pour leurs semblables le chemin de la vie; nous disons d’eux qu’ils sont des génies, mais nous demeurons souvent impuissants à expliquer pourquoi ils le sont. Rappelons à ce propos quelques définitions du génie. En voici une: le génie, c’est l’heureux amalgame de caractères positifs, réalisé chez un être humain. C’est l’exemple concret d’une conversion de la quantité en qualité. Prenons un homme bon, capable, doué, sans plus. Ajoutons-lui relativement peu de chose, mais qui, dans ladite combinaison de qualités, constitue un élément d’importance, et notre homme sera non plus simplement doué, mais génial. Cependant, donner une définition aussi générale équivaut à ne rien dire. Le mystère du génie ne se trouve pas pour autant éclairci. Et voici une autre définition: le génie est une forme particulière de l’aptitude à l’effort; c’est presque toujours le résultat d’une prodigieuse puissance de travail. Cependant, nous nous rappelons aussitôt que nous connaissons beaucoup de grands travailleurs qui n’ont rien de génial. Force nous est donc de reconnaître que donner une définition générale du génie, c’est mal poser le problème; que celui-ci ne peut être résolu que par rapport à un cas tout à fait précis et que les solutions varieront selon les individus. Si nous adoptons ce point de vue, nous devons convenir qu’il est particulièrement difficile de donner une idée exacte de cette grande figure qu’était Vladimir Ilitch. Mais je n’ai pas l’ambition d’y parvenir; je me borne simplement à rassembler quelques matériaux. Cette tâche est ardue et délicate: « C’est un portrait inachevé, et, de toute évidence, ce sont les siècles qui l’achèveront». A première vue, il n’en imposait pas. Mais rappelez-vous ce que Marx disait à propos des caractères distinctifs des révolutions prolétariennes comparées aux révolutions bourgeoises. S’il est vrai que l’essence même du mouvement prolétarien exclut tout procédé spectaculaire, tout art dramatique de parade dans le comportement de la masse populaire, – héros principal de ces révolutions, – ne sommes-nous pas en droit d’attendre une simplicité toute particulière des hommes auxquels échoit le grand rôle historique de véritables chefs du prolétariat? De toute façon, ce qui distinguait Vladimir Ilitch, c’était justement l’absence de tout éclat de façade” [G. Krjijanovski, “Vladimir Ilitch”, in: ‘Lenine, tel qu’il fut. Souvenirs des contemporains’, Editions en Langues Etrangères, Moscou, 1958] [Lenin-Bibliographical-Materials] [LBM*]