“Marx avait assuré que le passage de la societé capitaliste à la société socialiste se ferait par la révolte du prolétariat contre la bourgeoisie. La libération devait se produire d’abord dans les pays fortement industrialisés où les masses ouvriéres étaient les plus nombreuses et les mieux organisées. Dans ce mouvement l’intervention des peuples coloniaux n’était pas prèvue, car, à l’époque où Marx écrivait, le grand essor colonial de type impérialiste n’avait pas encore commencé et la colonisation conservait encore son caractère mercantiliste. Après lui, prévalut longtemps l’idée de l’incapacité des ces peuples d’influer sur le cours de l’histoire. Le congrès de la IIe Internationale à Stuttgart (1907) constata que «dans les colonies, il ne faut guère compter sur la force de rèsistance des exploités. Celle-ci fait presque complètement défaut chez l’indigène». Dans son ouvrage ‘Das Finanzkapital’ (1910), Rudolf Hilferding notait cependant que «dans les pays nouvellement découverts le capital importé intensifie les antagonismes et suscite contre les intrus la résistance croissante des peuples éveillés à la conscience nationale; cette résistance peut facilement évoluer vers des mesures dangereuses dirigées contre le capital étranger…» (p. 433). Mais c’est surtout Lénine qui, en 1916, souligna les contradictions qui opposaient, non seulement les capitalistes et les prolétaires dans les métropoles, mais les impérialistes des métropoles et les peuples colonisés (1). Ceux-ci pouvaient être un excellent instrument de lutte contre le capitalisme; en effet, la révolution dans les colonies, enlevant à la bourgeoisie européenne ses super-profits et ses moyens de corrompre la classe ouvrière, susciterait par là-même la révolution européenne. La révolution de 1917 fit passer la doctrine marxiste de la théorie à la pratique. Dans l”Appel aux ouvriers, aux soldats et aux paysans’, lancé le 25 octobre par le IIe congrès des Soviets, il était dit: «Le pouvoir des Soviets garantira à toutes les nations peuplant la Russie (c’est-à-dire aux colonies d’Asie) le droit effectif de disposer d’elles-mêmes». Le ‘Decrét sur la paix’ publié le lendemain, rendait un son anticolonialiste en condamnant les «annexions»: «Par annexion le gouvernement entend toute incorporation à un Etat, grand ou puissant, d’une nationalité petite et faible, sans le consentement et le désir formulés clairement et librement exprimés par cette dernière, indépendamment de l’époque à laquelle cette incorporation violente a été accomplie… du degré de développement ou de retard de la nation annexée… de l’entroit où cette nation réside, en Europe ou dans les lointains pays transocéaniques». Après une condamnation aussi catégorique de la domination d’un peuple sur d’autres peuples, le nouveau régime russe se devait de réviser la politique tsariste à cet égard. En mars 1921, fut mis au point, sous le titre: ‘Des tâches immédiates du Parti dans la question nationale’, un plan d’émancipations des peuples de l’Union soviétique sur la base de «l’abolition de l’inégalité nationale» et du développement social autonome. Ce texte marquait la première tentative de résoudre pacifiquement le problème des rapports de domination coloniale entre les «Grands-Russes» et les autres peuples de l’Union, en instaurant entre eux l’égalité complète. Sur le plan international l’opposition du parti à l’impérialisme colonial s’affirma dans chacun des congrès du Komintern (assemblée périodique des raprésentnts des partis communistes internationaux). Après avoir en 1919 (Ier congrès) condamné la duperie du wilsonisme, le Komintern prit une position plus vigoureuse encore en 1920. Dans ce IIe congrès, auquel participèrent des représentants de l’Inde (Roy) et de l’Indonésie (Sneevliet), Lénine fit adopter ses ‘Thèses sur les questions coloniale et nationale’: «Tous les partis communistes doivent donner un soutien actif aux mouvements révolutionnaires dans ce pays (coloniaux). L’Internationale Communiste doit être prête à établir des relations temporaires et même de alliances avec les démocrates-bourgeois des colonies et des pays arriérés. Elle ne doit pas cependant fusionner avec eux, mais conserver le caractère indépendant du mouvement prolétarien, même si ce dernier en est encore au stade embryonnaire». Le texte préconisait aussi la lutte contre tous les auxiliaires de la colonisation: les missions chrétiennes; les mouvements panislamique et panasiatique qui luttent contre les imperialismes européen et américain mais «s’efforcent en même temps de consolider l’influence turque et l’impérialisme japonais, aussi bien que la puissance des nobles, des grands propriétaires et du clergé». L’action anticolonialiste des communistes s’inspirera de ce texte jusqu’en 1927″ [Henri Grimal, ‘La decolonisation, 1919-1963’, Paris, 1965] [(1) L’Impèrialisme, stade suprême du capitalisme] [Lenin-Bibliographical-Materials] [LBM*]
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- Articolo pubblicato:25 Gennaio 2017