“Enfant, Vladimir Ilitch n’avait rien, en effet, d’un insoumis, d’un révolté. Certes, il était enjoué, volontaire et turbulent, mais trés respectueux de ses parents, des institutions, de l’école. “Il n’attendait jamais le dernier moment pour rédiger ses devoirs, établissant un plan, avec introduction et conclusion. Puis, sur une feuille plus grande, il reportait à gauche son plan, laissant en blanc la partie de droite, la remplissait petit à petit”. Il correspondait tout à fait au portrait du bon éleve, et plus tard, en Suisse, ses compagnons le brocardèrent sur son sérieux, sur son application. On l’appelait “Herr Professor”. Cer surnom rappelait-il aussi, sans malice ni méchanceté, les origines allemandes de sa mère qui, selon certains, aurait été issue d’une famille juive convertie à l’orthodoxie? Hypothèse non vérifiée mais qui, si elle était vraie, ne manquerait pas de piquant: sachant que Lénine, par sa grand.-mère paternelle, a du sang kalmouk dans les veines, comme ses yeux légèrement bridés en témoignent, on en conclurait que par trois de ses ascendants, Lénine serait issu d’Allemands, de Juifs, de Mongols, en bref les trois peuples que les Russes ont toujours haïs. Est-ce pour cela que l’historiographie soviétique n’a jamais tellement évoqué les origines de Lénine? Sans doute. Mais aussi est-ce surtout parce que, dans le contexte des années 1900-1978, le dossier de cette famille serait un dossier piégé. Il montrerait d’abord que Lénine était un grand bourgeois, nourri, entretenu par sa famille jusqu’à un âge très avancé. Il montrerait également que, dans l’ancienne Russie, un débardeur qui aurait épousé une Kalmouk illettrée pouvait donner naissance à un enfant, le père de Lénine, qui, parti de rien, allait devenir un inspecteur général de l’enseignement, c’est-à-dire un haut fonctionnaire. Il montrerait également que le tsarisme n’avait pas une pratique politique aussi systématiquement raciste qu’on l’imaginait. Cette origine multinationale de Lénine explique peut-être, pourquoi Lénine ne parlait jamais de ses ascendants, de se famille. Lorsqu’on l’interrogeait, il répondait qu’il en ignorait tout, que cela n’avait pour lui aucune importance. Effectivement, dans ses relations personnelles, Lénine n’attacha aucune attention particulière à l’origine raciale des ses compagnons en révolution qui, pour la plupart, se trouvaient être des allogènes: Polonais, Juifs, Lettons, etc. Le trait est normal: ressentant plus que d’autres les injustices d’une société, l’allogène est mieux à même de l’analyser à la fois du dedans et du dehors. Voilà pourquoi, de tout temps et dans tous le pays, les “étrangers” jouent un rôle d’avantgarde dans les révolutions, dans les mouvements de protestation. “Etrangers” au sens légal, ou encore étrangers à une institution, au village, à la famille; à la fois voyeurs et révélateurs” [Marc Ferro, Lénine] [in) ‘Les Grands Révolutionnaires. Les Révolutionnaires Communistes à la conquete du Pouvoir. L’espoir d’un Siécle’, Romorantin, 1978] [Lenin-Bibliographical-Materials] [LBM*]
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- Articolo pubblicato:5 Febbraio 2016