“Or Lénine avait une préoccupation fondamentale qui échappa le plus souvent à ceux qui défendirent la rupture avec le passé. Il prétendait éliminer la ligne de démarcation entre le spécialiste et les masses. Dans “L’Etat et la Révolution”, cette idée est approfondie. La préoccupation de lutter contre la division technique et sociale du travail y est une constante; et c’est là, à notre avis, que se trouve le noeud de la question. Marx l’avait dejà pressenti: “La concentration exclusive du “talent” artistique chez quelques individus et corrélativement la passivité de la majorité, est une conséquence de la division du travail (…). Les raisons pour lesquelles un individu développe son talent ou non dépendent entièrement de la commande sociale, elle-même dépendante de la division du travail et du degré de culture atteint par les individus dans ces conditions” (9). En 1919, Lénine lançait cette idée: “Aujourd’hui l’une des tâches les plus importantes, sinon la plus importante, est de développer aussi largement que possible cette libre initiative des ouvriers, de tous les travailleurs et de touts les exploités en général, dans leur travail créateur en matière d’organisation. Il faut détruire à tout prix le vieux préjugé absurde, sauvage, infâme et abominable selon lequel seules les “classes supérieures”, seuls les riches ou ceux qui ont passé par l’école de classes riches peuvent administrer l’Etat, organiser la construction de la société socialiste” (10). En 1921, on entreprit même de faire passer cette directive dans la pratique. Un décret d’avril provenant du Conseil des Commissaires du Peuple se proposait concrètement de “maintenir une liaison entre les institutions soviétiques et les larges masses travailleuses, et animer l’appareil soviétique éliminant ses éléments bureaucratiques” (11)” [Jacinto A. Rodrigues, ‘Urbanisme et Revolution’, Paris, 1973] [(9) in ‘L’Idéologie allemande’, Editions sociales, p. 433 et 434; (10) In Lénine, article publié dans la ‘Pravda’ du 20.1.1919, Oeuvres choisies, vol: 2, 1re partie. Editions de Moscou, p: 353; (11) in Marcel Liebman: ‘La révolution russe’, p. 398, Ed. Marabout, Paris, 1967]