“Il y a encore un aspect intéressant dans l’histoire du mouvement révolutionnaire des premières décennies du XIXe siècle, c’est la séparation, après la mort de Babeuf; de la pensée théorique communiste ou socialiste et de l’action révolutionnaire. (Il faut dire que pour me simplifier la tâche je ne fais pas ici de distinction entre la pensée “communiste” et “socialiste” en les traitant comme un complexe intégré, ce qui n’est pas tout à fait le cas). Il est notoire que le rôle particulier du babouvisme dans l’histoire du mouvement ouvrier et révolutionnaire est avant tout déterminé par cette union de la théorie communiste avec la pratique revolutionnaire qu’avait opérée Babeuf qui, selon le jugement de Jean Bruhat, avait créé “le premier parti communiste agissant”. Plusieurs ouvrages soviétiques et étrangers étant consacrés à ce sujet, il n’y a pas lieu d’entrer en détail là-dessus. Après Babeuf, la création des utopies abstraites ne fut plus possible. Mais une séparation s’est produite entre la pensée théorique communiste et socialiste et le mouvement révolutionnaire. Les continuateurs immédiates de la ligne révolutionnaire et conspiratrice de Babeuf ne développèrent point d’idées communistes. En revanche, ceux qui s’intéressaient sérieusement au côté théorique de la cause, qui avaient des idées sociales nouvelles, parfois plus profondes et mieux mises au point, cherchèrent constamment à les mettre en pratique, mais autrement que par les voies révolutionnaires. La théorie communiste et la pratique révolutionnaire ne se sont pratiquement réunis, à un niveau plus élevé, que vers le milieu du XIXe siècle, le processus débutant au cours des années 1830. De ce point de vue, bien qu’au premier coup d’oeil cela puisse paraître paradoxal, nous pouvons voir dans l”Union des communistes’ le continuateur immédiat de Babeuf” [Galina Tchertkova, ‘De la place du Babouvisme dans l’histoire du mouvement révolutionnaire européen – Jacobinisme et Babouvisme’ (in) ‘Les historiens russe et la Révolution française après le communisme’, Etudes révolutionnaires, 2003]