“Nous avons vu que les attaques plusieurs fois séculaires des nomades ont entravé la croissance des forces productives dont disposait la population sédentaire de la Russie, et que ce retard, à son tour, a retardé la formation d’une classe puissante de détenteurs de terres et l’établissement de formes déterminées de la vie politique. Il faut maintenant ajouter que ces mêmes attaques des nomades, qui, par leurs conséquences économiques, devaient affaiblir la force des boïars et par là favoriser l’accroissement de la puissance des princes, contribuèrent encore d’une autre manière au progrès de cette puissance. Engels a justement remarqué qu’à la base d’une domination politique, il y a toujours eu l’exercice d’une fonction sociale, et que cette domination ne se maintient longtemps que lorsqu’elle s’acquitte d’une fonction importante pour la vie de la societé (1). Or, le prince avec sa ‘droujina’ avait charge de défendre la principauté contre les attaques de l’ennemi. Le prince était le ‘gardien militaire de la terre’, selon l’expression de Klioutchevski, ce qui ne signifie pas qu’il s’acquittât toujours avec soin et succès de sa fonction, et ne sacrifiât pas parfois les intérêts du pays aux siens propres. Il s’en faut de beaucoup que tous les princes aient eu l’intelligence et l’énergie de Vladimir Monomaque, et tous avaient pour règle le proverbe russe “c’est ta propre chemise qui est le plus près de ton corps (2)”. Cependant, aux yeux de la population, le prince était précisément et avant tout le gardien armé de la terre; plus le besoin de ce gardie était sensible, plus augmentaient son importance et sa puissance” [Georges Plékhanov, Introduction a l’histoire sociale de la Russie, 1926] (pag 56-57) [(1) ‘Anti-Dühring, p. 149 de la traduction russe (éd. V.I. Iskovenko); (2) Lorsque leurs intérêts étaient en jeu, les princes introduisaient eux-mêmes les “païens” dans la terre russe et ne se souciaient guère du mal que ceux-ci faisaient aux paysans]