“Pour justifier son ‘alliance avec le républicanisme bourgeois’, Jaurès se refère à un passage où Marx recommande aux socialistes de s’unir avec la bourgeoisie contre la réaction (82). Il a visiblement à l’esprit les conclusions du ‘Manifeste communiste’ où il est dit: “En Allemagne, le parti communiste fait front commun avec la bourgeoisie, lorsqu’elle adopte une conduite révolutionnaire contre la monarchie absolue., la propriété féodale et les ambitions de la petite bourgeoisie (…). Bref, les communistes appuient partout les mouvements révolutionnaires contre les conditions sociales et politique existantes (83)”. Mais la citation invoquée repose sur un contenu historique tout à fait précis. Le ‘Manifeste communiste’ en effect fait allusion à la lutte de la première moitié du siècle précédent qui visait à instaurer la ‘domination de classe bourgeoisie’ à la place de la domination féodale. A l’époque il s’agissait d’assurer le soutien du prolétariat à une classe montante dont la victoire politique sur la réaction était une nécessité économique. Aujourd’hui la situation est entièrement différente. (…) Déjà dans le ‘Manifeste communiste’, auquel se réfère Jaurès, Marx ne conseillait pas à la classe ouvrière de ‘fusionner’ politiquement avec les parti révolutionnaires de la bourgeoisie. Tout au contraire, le ‘Manifeste’ pose en principle que le parti communiste doit appuyer la bourgeoisie révolutionnaire, mais il ajoute immédiatement: “Toutefois, ce parti ne néglige aucune occasion d’éveiller chez les travailleurs une conscience claire de l”antagonisme hostile entre la bourgeoisie et le prolétariat’ (84)”. Mais, si Jaurés prétend directement s’inspirer dans sa tactique de la doctrine marxiste, il doit prendre en considération les directives données par Marx au prolétariat ‘après’ la révolution de 1848, donc après la bataille décisive de la bourgeoisie contre le féodalisme. Il est vrai qu’alors Marx comptait sur la poursuite de la révolution, et ses directives sont devenues le fil conducteur du comportement de la social-démocratie même en temps de paix. Dans la première adresse du comité central à la Ligue communiste de 1850, Marx recommande aux ouvriers de “pousser à l’extrême” les propositions des démocrates, qui, quoi qu’il arrive, n’agiront pas en révolutionnaires mais auront une attitude réformiste; ces propositions, ils auront à les transformer en attaques directes contre la propriété privée […]. ‘Les revendications des travailleurs’ – conclut Marx après une série d’exemples concrets – ‘devront donc s’orienter partout d’après les concessions et les mesures des démocrates’ (85)”; ce qui veut dire que les ouvriers devront absolument sur tous les points aller ‘plus loin’ que le petits bourgeois” [Rosa Luxemburg, a cura di Jean-Numa Ducange, Le Socialisme en France (1898-1912). Oeuvres complètes – Tome III, 2013] [(82) Jaurès, “Les deux méthodes”, p. 8. Note de Rosa Luxemburg]; (83) Kal Marx & Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste (1848), in Karl Marx, Philosophie, Paris, Gallimard, Folio essais, 1994, p. 439-440; (84) Ibid. p. 439-440; (85) Karl Marx, “Adresse du comité central de la Ligue des commmunistes” (mars 1850), Oeuvres IV, Politique I, Paris, Gallimard, “Bibliothèque de la Pléiade”, 1994, p. 558. Les mots soulignés le sont par Rosa Luxemburg]
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- Articolo pubblicato:21 Maggio 2014