“Déçus par les échecs du socialisme en Europe, les dirigeants de Moscou ont en effet décidé de promouvoir la révolution dans les pays coloniaux. C’est au II° congrès de l’IC, en juillet 1920, que Lénine, dans ses ‘Thèses sur la question nationale et coloniale’, a souligné la nécessité pour les révolutionnaires d’Asie de collaborer avec les mouvements de libération nationale, y compris ceux de la bourgeoisie, sans toutefois complètement subordonner leur action à cette collaboration. En fonction de ces objectifs immédiats et à long terme, la stratégie soviétique en Chine se développe donc en trois directions: négociations avec le gouvernement de Pékin, aide à l’organisation du Parti communiste chinois, recherche de partenaires “bourgeois” révolutionnaires pour la constitution d’un front uni. Cependant que les envoyés diplomatiques – Adolf Joffé, puis Lev M. Karakhan – se succèdent à Pékin, des agents du Parti communiste russe et de l’IC sillonnent la Chine. Au printemps 1920, Grigori Voitinski suscite la formation des premières cellules communistes. En juillet 1921, un autre agent de l’IC, Maring, aide à organiser le congrès de fondation du Parti communiste chinois, lequel ne compte alors qu’une soixantaine de membres. Une bien faible force de frappe révolutionnaire… Les émissaires soviétiques multiplient donc leurs contacts pour trouver des alliés. De Wu Peifu à Chen Jiongming, en passant par Zhang Zuolin et quelques autres, ils rencontrent tous ceux qui détiennent force militaire et influence politique. Et parmi eux, naturellement, Sun Yat-sen. Celui-ci, cependant, ne semble pas avoir bénéficié à leurs yeux d’un quelconque préjugé favorable. Certes, dès juillet 1912, Lénine évoquait les mérites, et les limites, de Sun dans un article intitulé “Démocratie et populisme en Chine”. Il louait son “esprit sincère de démocratie”, sa “chaleureuse sympathie pour les masses”, mais dénonçait son ambition naïve et petite-bourgeoise de “prévenir l’apparition du capitalisme en Chine” (1). Dans un autre article d’avril 1913, “La lutte des partis en Chine”, Lénine attribuait la faiblesse du parti Guomindang au fait que celui-ci n’avait “pas encore réussi à suffisamment drainer les larges masses du peuple chinois dans le courant révolutionnaire” et il critiquait les “faiblesses” de son dirigeant, “rêveur et indécis” (2). En 1921, Lénine, comme il l’indique lui-même, a complètement perdu de vue Sun Yat-sen. “Je ne connais rien des insurgés et des révolutionnaires de la Chine du Sud (3) (…)” [Marie-Claire Bergère, Sun Yat-Sen, 1994]  [(1) (2) Cité ici d’après Leng Shao-Chuan et Norman S. Palmer, Sun Yat-sen and Communism, New York, Praeger, 1960, p. 53; (2) Lydia Holubynchy, Michael Borodin and the Chinese Revolution, 1923-1925, Ann Arbor, University Microfilm International, 1979, pp. 139-140] [V.I. Lenin – Materiali Bibliografici] [LBM*]