“Dans ce document [‘Adresse du Comité central de la Ligue des communistes’ (1850)], Marx caractérise la tactique que le jeune prolétariat doit observer à l’égard de la petite bourgeoisie. Il le fait sous la forme suivante, claire et nette au plus haut point: “Ils [les communistes] doivent porter jusqu’aux dernières limites les propositions des démocrates, qui de toute façon interviendront, non pas comme révolutionnaires, mais comme réformistes; ils doivent transformer ces revendications en attaques directes contre la propriété privée. Par exemple, si les petits-bourgeois proposent le rachat des chamins de fer et des fabriques, les ouvriers doivent en exiger la confiscation sans indemnité, comme proprieté des réactionnaires. Si les démocrates proposent des impôts proportionnels, les ouvriers doivent exiger des impôts progressifs; si les démocrates proposent des impôts modérément progressifs, les ouvriers doivent insister pour que le taux en soit si élevé que le gros capital puisse ne périr; si les démocrates exigent la régularisation de la dette publique, les ouvriers doivent exiger la banqueroute de l’Etat. Par conséquent les revendications des ouvriers devront partout être en rapport avec les concessions et les mesures des démocrates”. Cette même pensée de Marx sur la révolution permanente est exprimée ici au point de vue ‘tactique’: si la révolution continue sa marche ascendante, c’est-à-dire si la révolution démocratique-bourgeoise se transforme en révolution socialiste, la tactique des ouvriers, dirigées par les communistes, doit être celle qui est indiquée par Marx dans le passage que nous venons de citer. Cette pensée est formulée ainsi brièvement par Marx. “Le parti révolutionnaire ouvrier lutte avec la démocratie petite-bourgeoise contre la fraction qu’il cherche à renverser; il intervient contre elle dans tous les cas où lui-même veut se renforcer”. Dans ces remarques faites par Marx immédiatement après les événements de 1848-1850, on trouve en gerrme, nous les répétons, toute la tactique du marxisme révolutionnaire et, par suite, une grande partie de la tactique du léninisme”. (…) Ces passages confirment suffisamment les deux thèses que nous avons posées au début du chapitre. ‘Premièrement’, la formule de la “révolution permanente” chez Marx signifiait plutôt un résumé de l’expérience de la Révolution française et des révolutions de 1848; fréquemment aussi, elle signifiait ce qu’il avait en vue, lorsqu’il parlait de développement de la révolution en ligne ascendante. ‘Deuxièmement’, dans cette formulation Marx se rapproche non pas de Parvus et Trotsky, mais de l’interpretation du marxisme par Lénine, de l’idée, maintes fois exprimée par ce dernier, de la transformation de la révolution démocratique-bourgeoise en révolution socialiste. La description et l’analyse du processus de séparation de la classe ouvrière d’avec la démocratie petite-bourgeoise, c’est au fond, l’idée (développée plus tard par Lénine) de la transformation de la révolution démocratique-bourgeoise en révolution socialiste”  [G. Zinoviev, Le léninisme. Introduction à l’étude du léninisme, 1926]