“Nous venons de rappeler brièvement comment depuis 1877 le socialisme marxiste a pénétré en France et comment, en dépit des résistances et des hostilités – les unes dues à l’imcompréhension, les autres aux jalousies et aux rancunes personnelles – il s’était nécessairement imposé au mouvement ouvrier français comme au mouvement ouvrier international. Et parce que socialistes et communistes français ne dissimulent point qu’ils ont fait leurs les doctrines essentielles et la méthode de Marx, leurs adversaires n’hésitent point, comme M. Léon Say, à proclamer que le socialisme actuel n’est qu’une “invention allemande” (1) à dénoncer avec véhémence ces mauvais Français qui se mettent à la remorque des Allemands. A la remorque des Allemands parce que les socialistes français acceptent la rigoureuse et pénétrante analyse de l’évolution économique exposée par l’auteur du ‘Capital’! A la remorque des Allemands parce qu’en matière historique ils acceptent comme méthode de recherche et d’investigation la conception matérialiste! C’est comme si devaient être considérés comme à la remorque de l’Allemagne ceux qui admirent les vastes et puissantes symphonies de la ‘Tétralogie’ – ou ceux qui, dans le domaine philosophique, s’inspirent soit de Kant, soit de Schopenhauer – ou encore ceux qui, dans le domaine des sciences physiques, apprécient les magnifiques travaux de Roentgen sur les rayons X… Comment ne pas apercevoir que c’est aujourd’hui le capitalisme lui-même qui, dans toutes les nations civilisées et industrialisées, par-dessus les frontières plus ou moins arbitraires ou plus ou moins artificielles, uniformise les conditions économiques et sociales, les conditions de la production et du travail; que c’est lui, par suite, qui uniformise les revendications des salariés de toutes nations; que c’est lui enfin qui donne tout son sens, toute sa portée, à l’appel et au cri de guerre de fin 1847: “Prolétaires de tous les pays, unissez-vous?”. Le gigantesque capitalisme joue dans le monde contemporain un rôle analogue à celui de Rome dans le monde antique. Par la conquête et l’unité relative des peuples, Rome a rendu possibles la propagande chrétienne et l’unité chrétienne. En unifiant à travers les nationalités et les races les conditions du travail, le capital a préparé et prépare l’expansion socialiste et communiste, la civilisation nouvelle d’aujourd’hui et de demain. En Orient comme en Occident, partout où pénètre l’industrialisme moderne sorti de la vapeur et de l’électricité, partout où se dressent les fabriques et usines agglomérant les masses ouvrières, les proconsuls de la finance – sans s’en douter – ouvrent les voies à la justice sociale. C’est ce que la dialectique marxiste a souverainement démontré. Les immenses services que par là même le marxisme a rendus à la cause de la science et de l’humanité entière n’empêchent point d’accorder aux grands utopistes, aux précurseurs de la fin du XVIII° et du commencement du XIX° siècle l’hommage reconnaissant qui leur est dû par la postérité et que Marx et Engels ne leur ont point marchandé. Comme le proclamait le célèbre manifeste guesdiste vieux maintenant de plus d’un demi siècle: “C’est la France qui, avec Babeuf, Fourier, Saint-Simon, a commencé l’élaboration des idées socialistes auxquelles Karl Marx et Engels ont apporté leur couronnement scientifique” (2)” [Alexandre Zevaes, De l’introduction du marxisme en France, 1947] [(1) Discours de Léon Say au banquet de l’Union libérale (‘Journal des Débats’, 16 juin 1896); (2) Manifeste du Conseil national du Parti ouvrier français (Jules Guesde, Paul Lafargue, Ferroult, S. Dereure, etc) sur le Patriotisme et l’Internationalisme (juillet 1893)]
- Categoria dell'articolo:Nuove Accessioni
- Articolo pubblicato:28 Agosto 2013