“Jones a d’abord, sans doute, connu Engels – par l’intermédiaire de Harney (1), qui avait rencontré Engels en automne 1843, et (comme d’autres Chartistes) lui avait fourni pas mal de matériaux pour son livre, ‘La situation des classes laborieuses en Angleterre’ (1845). Harney ne rencontra Marx pour la première fois qu’en novembre 1847, lorsque celui-ci vint à Londres porter une adresse de l’Association Démocratique Belge aux “Fraternal Democrats” dont Harney était le secrétaire pour la Grande-Bretagne. Marx était aussi venu pour assister à une conférence de la Ligue des Communistes d’où sortit le ‘Manifeste’. C’est également à ce moment-là que Jones a dû faire la connaissance de Marx, car ils parlent tous les deux à un meeting commémorant l’anniversaire de la Révolution Polonaise de 1830, au début de décembre. Jones retrouve Marx quelques semaines plus tard à Paris, quand il est chargé, avec Harney et Mc Grath, de présenter un message commun des Chartistes et des “Fraternal Democrats” au peuple de Paris. Marx à été récemment expulsé de Belgique. Quant au ‘Manifeste du Parti Communiste’, il est difficile d’imaginer que Jones, qui était en contact étroit avec les émigrés allemands et qui parlait parfaitement leur langue, n’ait pas été au courant de ses points essentiels, peut-être même de sa version originale allemande (janvier-février 1848). A ce titre, à l’exception possible de Harney, Jones aura été un cas unique parmi les leaders chartistes. Dès la fin de 1847, et jusqu’à son emprisonnement en juin 1848, on relève dans les discours et les écrits de Jones un net passage au socialisme: une étude plus approfondie des ressorts de la société, une insistance accrue sur le côté social des revendications, le devoir de s’organiser à tout prix. Aussitôt sorti de prison, il reprend contact avec Marx et Engels, comme le révèle la correspondance de ces derniers. Les diverses “Lettres” qu’il publie dans ‘Notes’ pour expliquer le programme chartiste rénové, approuvé par la Convention de mars-avril 1851, accordent une place encore plus marquée à la réflexion théorique et doctrinale, et à la nécessité d’une structure rigoureuse. Ce n’est pas pour rien qu’Engels écrit bientôt à Marx: “Sans notre enseignement il n’aurait pas pris la bonne route”. Ce qui semble le plus les unir, c’est l’accent mis sur la lutte de classes” [Hugues Journès, Une litterature revolutionnaire en Grande-Bretagne: la poesie Chartiste, 1991] [(1) “Tous ces détails d’après l’introduction de J. Saville. Pour l’emplacement du “Communist League Hall” où se tint le deuxième Congrès de la Ligue des Communistes, voir ‘London Landmarks, a guide with maps to places where Marx, Engels & Lenin lived & worked’ (Publ. by the Communist Party), 1948″]