“Effectivement Blanqui n’est point un théoricien. L’expérience du mouvement ouvrier français et la méditation de l’histoire l’ont conduit à quelques idées directrices très simples. Blanqui a été un des premiers à avoir mis en lumière la nécessité de la lutte des classes. Et cela très tôt. Dès 1832, face au tribunal (1), il prend la défense des prolétaires dont il évoque et les souffrances et les luttes: “Il me semble”, dit-il, “que c’est là, sous une nouvelle forme et entre d’autres adversaires, la guerre des barons féodaux contre les marchands qu’ils détroussaient sur les grands chemins”. A la différence de beaucoup de socialistes de son temps (ne serait-ce que Proudhon), il a mis l’accent sur la nécéssité pour le prolétariat de mener un combat politique et de lutter contre l’Etat bourgeois. “Vous connaissez depuis longtemps mon opinion”, écrit-il. “Pour moi, le socialisme est inséparable de la politique. Qui dit l’un, dit l’autre. L’abstraire de l’Etat, agir sans lui, malgré lui, prétendre tout régénerer en dehors de lui, presque à son insu, m’a toujours paru une immense bouffonnerie. On est déjà sur la voie de cette opinion. Quand on y sera, revenu tout à fait, on pourra faire des choses raisonnables”. Enfin Blanqui, s’et élevé à l’idée d’une dictature nécessaire: “L’Etat social étant gangrené, pour passer à un Etat sain il faut des remèdes héroïques: le peuple aura besoin pendant quelque temps d’un pouvoir révolutionnaire. Il faut exterminer la royauté et toutes les aristocraties, substituer à leur place la République c’est-à-dire le gouvernement de l’égalité: mais pour passer à ce gouvernement employer un pouvoir révolutionnaire qui mette le peuple à même d’exercer des droits”. Au lendemain de la Révolution de 1848, en période de déclin du mouvement révolutionnaire, une tentative fut faite de ressusciter la ‘Ligue des Communiste. Ce fut la “Société universelle des communistes révolutionnaires” de 1850. L’article premier des status disait: “Le but de l’Association est la déchéance de toutes les classes privilégiées, de soumettre ces classes à la dictature du prolétariat en maintenant la révolution en permanence jusqu’a la réalisation du communisme qui doit être la dernière forme de constitution de la famille humaine”. Ce texte était signé da Karl Marx et de Friedrich Engels mais aussi des représentants blanquistes français. Evidemment ce n’était qu’une première formulation de la dictature du prolétariat. Toutefois, et nous en arrivons à un examen des insuffisances théoriques de Blanqui, Karl Marx et Friedrich Engels n’en sont point resté là. C’est après la Commune de Paris que Karl Marx a été amené à préciser la forme de la dictature du prolétariat. Au contraire, Blanqui n’a pas dépassé le stade de l’expérience montagnarde. Il en reste à l’idée d’une dictature parisienne. “Après tout”, écrit-il, le gouvernement de Paris est le gouvernement du pays par le pays, donc le seul légitime. Paris n’est point une cité municipale, cantonnée dans ses interêts personnels, c’est une véritable représentation nationale”. Les conceptions économiques de Blanqui son loin d’avoir un caractère scientifique rigoureux. (…)” [Jean Bruhat, A propos de Blanqui] [(in) Cahiers Internationaux, Revue internationale du monde du travail, N° 39 Septembre-Octobre 1952] [(1) Voir le beau livre de Marcel Willard, ‘La Défense accuse’, pages 37-46]