“Engels en vint même à placer ses espoirs dans la loi antisocialiste de Bismarck (‘Gesetz gegen die gemeingefährlichen Bestrebungen der Soziademokratie, 1878): elle aiderait le parti à se débarrasser de ses illusions sur la “lutte lègale” et la “voie parlementaire” et le pousserait à une orientation plus révolutionnaire. Mais les propositions concernant l’orientation politique du ‘Sozialdemokrat’, futur journal du parti en exil, qui avaient été formulées entre autres par Eduard Bernstein, allaient dans un sens diamétralement opposé. “C’est maintentant sous la pression de la loi contre les socialistes que le parti doit montrer qu’il n’est pas prêt à prendre le chemin sanglant de la révolution violente, mais celui de la légalité, c’est-à-dire de la réforme” (1). Marx et Engels virent dans ces propositions l’abandon de toute opposition radicale au profit de “rapiéçages réformistes et petits-bourgeois”. Bien que finalement le parti, lors de son congrès en exil, en 1880, eût aussi admis les formes de lutte illégales en supprimant la mention “légal” du passage concerné du programme de Gotha, il exclut les militants anarchistes qui rejetaient catégoriquement les formes de lutte légales. Quant aux “Jeunes” de l’opposition de gauche, ils se révoltaient également contre l’autoritarisme et le “réformisme petit-bourgeois” du groupe parlementaire au ‘Reichstag’ – ce qui n’empêcha pas Engels de critiquer leur impatience révolutionnaire en leur signifiant qu’ils feraient mieux de placer leur confiance dans la “lutte fraîche et joyeuse du prolétariat contre la loi antisocialiste et dans le fait que l’essor économique saperait de plus en plus vite la base de l’élément petit-bourgeois” (2). Après avoir condamné les tendances gauchistes des “Jeunes”, cette “révolte d’étudiants”, et leur “marxisme volontairement déformé”, Engels intervint de nouveau contre la direction du parti en critiquant le projet de programme élaboré après l’abrogation de la loi antisocialiste en 1890 et finalement adopté à Erfurt en 1891. Bien que Karl Kautsky se soit chargé d’en rédiger la partie théorique, ce qui représentait une victoire de l’aile marxiste sur le courant lassaléen, la partie pratique formulée par Eduard Bernstein avait fait d’importantes concessions au réformisme. Engels saisit alors l’occasion de “fustiger l’idée de laisser se développer la vieille saloperie capitaliste pour arriver à une société socialiste” (Engels, M/E, p. 517) – et de souligner, comme Marx vis-à-vis du programme de Gotha, que les revendications politiques du programme d’Erfurt ne seraient compatibles qu’avec une constitution démocratique et républicaine” [Manfred Gangl, La querelle du révisionnisme au sein de la social-démocratie allemande] [in ‘La social-democratie dans l’Allemagne imperiale’, a cura di Joseph Rovan, 1985] [(1) Cit. d’après M/E, p. 385 sq. (lettre circulaire de Marx et Engels à W. Liebknecht, Bracke et al. du 17-18/9/1879; (2) Engels MEW 22, p. 84]