“”Ce que je sais ou crois savoir sur la situation en Russie me pousse à l’opinion que là on s’approche de son 1789. La révolution (…) peut éclater chaque jour. (…) C’est un des cas exceptionnels où il est possible à une poignée d’hommes de ‘faire’ une révolution. (…) Si jamais le blanquisme – la fantasie de bouleverser toute une société par l’action d’une petite conspiration, avait une raison d’être, c’est certainement à Petersbourg. (…) Les gens qui se sont vantés d’avoir ‘fait’ une révolution ont toujours vu, le lendemain, qu’ils ne savaient point ce qu’ils faisaient; que la révolution ‘faite’ ne ressemblait pas du tout à celle qu’ils avaient voulu faire. (…) Là où (…) tous les dégrés du développement se trouvent représentés, depuis la commune primitive jusqu’à la grande industrie et la haute finance modernes, et où toutes ces contradictions sont violemment contenues par un despotisme sans égal, despotisme de plus en plus insupportable à une jeunesse qui réunit en soi l’intelligence et la dignité nationales, là, le 1789 une fois lancé, le 1793 ne tardera pas à suivre”. Engels répétera cet avertissement dans un entretien avec Kautsky, qualifiant d'”inopportunes” les “propos tactiques” qu’avait tenu Plekhanov sur “l’hégémonie du prolétariat” dans une révolution russe où un parti “blanquiste” pouvait céder à la tentation de “faire” cette révolution ‘pour’ le peuple. “Ce dont il s’agit aujourd’hui en Russie, ce n’est pas d’un programme, mais de la ‘révolution’. Lorsque celle-ci sera déclenchée, ce ne seront pas les socialistes, mais les libéraux qui seront au pouvoir en Russie. C’est soulement lorsque, sous l’impulsion de cette révolution, la révolution socialiste triomphera en Europe occidentale que cette victoire pourra avoir des répercussions en Russie et y provoquer l’essor du socialisme” (Propos de Friedrich Engels rapportés par Karl Kautsky à Edouard Bernstein, 30 juin 1885, op.cit., p. 107 sg).” (pag 63-64) [Maximilien Rubel, Marx et les nouveaux phagocytes, 2012]