“La dialectique devient la sophistique la plus infâme, la plus vile! L’élément national dans la guerre actuelle est représenté ‘seulement’ par la guerre de la Serbie contre l’Autriche (chose qui a d’ailleurs été marquée par la résolution de la conférence de notre Parti à Berne (1)). C’est en Serbie et parmi les Serbes seulement qu’il existe un mouvement de libération nationale datant de longues années et embrassant des millions d’individues parmi les «masses populaires», et dont le «prolongement» est la guerre de la Serbie contre l’Autriche. Si cette guerre était isolée, c’est-à-dire si elle n’était pas liée à la guerre européenne générale, aux visées intéressées et spoliatrices de l’Angleterre; de la Russie, etc., tous les socialistes seraient ‘tenus’ de souhaiter le succès de la ‘bourgeoisie’ serbe – c’est là la seule conclusion juste et absolument nécessaire à tirer du facteur national dans la guerre actuelle. Mais le sophiste Kautsky, qui est présentement au service des bourgeois, cléricaux et généraux autrichiens, n’en tire précisément pas cette conclusion! Poursuivons. La dialectique de Marx, dernier mot de la méthode évolutionniste-scientifique, interdit justement l’examen isolé, c’est-à-dire unilatéral et monstrueusement déformé, de l’objet. Le facteur national dans la guerre serbo-autrichienne n’a et ne peut avoir ‘aucune’ importance sérieuse dans la guerre européenne générale. Si l’Allemagne triomphe, elle étouffera la Belgique, encore une partie de la Pologne, peut-être une partie de la France, etc. Si la Russie remporte la victoire, elle étouffera la Galicie, encore une partie de la Pologne, l’Arménie, etc. Si le résultat est «nul», l’ancienne oppression nationale demeurera, Pour la Serbie, c’est-à-dire pour environ un centième des participants à la guerre actuelle, celle-ci est le «prolongement de la politique» du mouvement libérateur bourgeois. Pour 99 pour cent la guerre est le prolongement de la politique de la bougeoisie impérialiste, c’est-à-dire caduque, capable de dépraver, mais non pas d’affranchir des nations. L’Entente, en «libérant» la Serbie ‘vend’ les intérêts de la liberté serbe à l’impérialisme italien contre son appui dans le pillage de l’Autriche. Tout cela est de notorieté pubblique, et tout cela a été déformé sans scrupule par Kautsky afin de justifier les opportunistes. Ni dans la nature, ni dans la société, les phénomènes «purs» ‘n’existent’ et ne peuvent exister, c’est précisément ce que nous enseigne la dialectique de Marx qui montre que la notion même de pureté constitue une certaine étroitesse, un sens unilatéral de la connaissance humaine, qui n’embrasse pas l’objet jusqu’au bout, dans toute sa complexité. Il n’y a et il ne peut y avoir au monde de capitalisme «pur», mais il y a toujours des ‘mélanges’ de féodalisme, d’élément petit-bourgeois ou d’autre chose encore. C’est pourquoi rappeler que la guerre n’est pas «purement» impérialiste – alors qu’il s’agit d’une duperie scandaleuse des «masses populaires» par les impérialistes qui masquent à bon escient par una phraséologie «nationale» les buts de franc pillage -, c’est être un pédant infiniment obtus, ou un chicanier et un imposteur. Toute la question est que Kautsky ‘soutient’ la duperie du peuple par les impérialistes lorsqu’il dit que pour les «masses populaires, y compris les masses prolétariennes», les problèmes nationaux ont une «valeur décisive», ‘alors que’ pour les «classes dominantes ce sont les tendances impérialistes qui l’emportent» (p. 273), et lorsqu’il «corrobore» cette affirmation par une référence prétendument dialectique à la «réalité infiniment variée» (p. 274). Nul doute que la réalité ne soit infiniment variée, c’est une sainte vérité! Mais il n’est pas douteux non plus que cette infinie variété comporte deux courants fondamentaux et essentiels: le contenu objectif de la guerre est un «prolongement de la politique» de l’impérialisme, c’est-à-dire du pillage des autres nations par la bourgeoisie caduque des «grandes puissances» (et par les gouvernement de ces dernières); quant à l’idéologie dominante «subjective», ce sont là des phrases «nationales» propagées en vue de duper les masses” [(1) La ‘Conférence de Berne’ des sections du POSDR de l’étranger se tint à Berne du 27 février au 4 mars 1915. Convoquée sur l’initiative de Lénine, elle eut la portée d’une conférence bolchévik générale du Parti, la guerre n’ayant pas permis de réunir une conférence de toutes les organisations de Russie. Elle était composée des délégués des sections bolchéviks de Paris, Zurich, Genève, Berne, Lausanne et d’un «groupe de Baugy». Lénine y représentait le Comité central et l’organe central du Parti: le ‘Social-Démocrate’. Il dirigea les travaux de la conférence et rapporta sur la question centrale: «La guerre et les tâches du Parti». La conférence adopta les résolutions proposées par Lénine sur la guerre (NR).] [V.I. Lenine, ‘La faillite de la Deuxième Internationale. (1915)’, Paris, 1953] [Lenin-Bibliographical-Materials] [LBM*]