“La bourgeoisie reprend les affaires en mains, Blanqui est jugé avec les hommes du 31 octobre. La voilà une nouvelle fois condamné à mort par un conseil de guerre (9 mars 1871). Il sera absent de la Commune, lui qui en eût été le chef naturel. D’où l’idée de l’échanger contre les otages de celle-ci, parmi lesquels l’archevêque de Paris, Mgr Darboy. Mais Thiers ne veut rien entendre, préférant sacrifier les otages. “Thiers savait qu’avec Blanqui il donnerait une tête à la Commune, alors que c’est sous forme de cadavre que l’archevêque servirait au mieux son dessin (1)”. À la guerre comme à la guerrre… La nouvelle prison de Blanqui sera dans la baie de Morlaix, le fort du Taureau, où on lui interdit de regarder la mer, puis Clairvaux, fondé par Saint Bernard: on ne compte plus de monastères que la République a transformés en maisons de détention. Parlons clair. Depuis le 4 septembre 1870, le blanquisme, comme technique insurrectionnelle contre des régimes autoritaires, n’a plus de raison d’être, et Blanqui le sait. On ne lutte pas pour plus de justice sociale dans une république comme on lutte pour la liberté dans une monarchie. Ce n’est pas pour rien que Blanqui à fait de Clemenceau son héritier intellectuel: un radical d’extrême gauche plutôt qu’un révolutionnaire. Plus question de société secrète, de complot, de prise d’armes, d’insurrection. (…) Cela est si vrai que les héritiers présumés du blanquisme dans le mouvement socialiste de la fin du XIXe siècle ne seront plus de comploteurs ou des insurrectionalistes, mais des partisans de la lutte des classes, qu’ils voient à l’oeuvre dans la société: assez proches du marxisme, en somme. On a généralement vu dans les militants du Parti ouvrier (français), à commencer par Jules Guesde et Paul Lafargue, gendre de Marx lui-même, les vrais introducteurs du marxisme en France. Il faut aussi regarder du côté d’Édouard Vaillant, chef du Comité révolutionnaire central (CRC), l’une des chevilles ouvrières de l’unité socialiste en France, et compagnon de Jaurès (2)’ [Jacques Julliard, Les gauches françaises. Histoire, politique et imaginaire, 1762-2012, 2012] [(1) Marx, La Guerre civile en France, 1871, op. cit., p. 67; (2) Sur Vaillant on lira: Maurice Dommanget, ‘Édouard Vaillant, un grand socialiste, 1840-1915’, 1956, et Jolyon Howorth, ‘Édouard Vaillant. La Création de l’Union socialiste en France’, 1982, préface de Madeleine Rebérioux. Howorth veut en finir avec la “légende” d’un Vaillant blanquiste orthodoxe à l’ancienne]