“Chez les travailleurs apparaît par conséquent une conscience de classe – l’expression elle-même n’est pas utilisée par Engels – et le mouvement ouvrier se constitue. Comme le souligne Lénine: “Engels a été le premier à dire que le prolétariat n’est pas seulement une classe qui souffre, mais que c’est précisément la situation économique honteuse qui lui est faite qui lle pousse irrésistiblement de l’avant et l’oblige à lutter pour son émancipation finale” (1). Ce processus économique n’a pourtant rien de fortuit. L’industrie mécanisée à grande échelle exige des investissements de capitaux de plus en plus considérables, et la division du travail suppose le rassemblement d’un grand nombre de prolétaires. Des centres de production d’une telle ampleur, même situés à la campagne, entraînent la formation de communautés importantes; d’ou un excédent de main-d’oeuvre: les salaires baissent, ce qui attire d’autres industriels dans la région. Ainsi les villages se transforment en villes qui, elles-mêmes, se développent, en raison des avantages économiques qu’elles présentent aux yeux des industriels (pp. 56-57). L’industrie tendant à se déplacer des centres urbaines vers les régions rurales, où les salaires sont moindres, ce déplacement est lui-même cause de la transformation des campagnes. Les grandes villes constituent, pour Engels, les lieux les plus caractéristiques du capitalisme, et c’est vers elles qu’il se tourne maintenant (chapitre III). Il y montre le règne de la lutte effrénée de tous contre tous, et de l’exploitation de l’homme par l’homme (c’est-à-dire des travailleurs par les capitalistes), sous la forme la plus brutale. Dans cette anarchie, ceux qu ne possèdent pas de moyens de subsistance ou de production sont vaincus et contraints à peiner pour un maigre salaire ou à mourir de faim quand ils sont en chômage. Le pire et qu’ils en sont réduits à une insécurité foncière et que l’avenir du travailleur reste pour lui totalment mystérieux, incertain. En fait, cet avenir est déterminé par les lois de la concurrence capitaliste, que discute Engels dans son chapitre IV (2)” [E.J. Hobsbawm, Avant-propos, (in) Friedrich Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre. D’après les observations de l’auteur et des sources authentiques, 1960] [‘(1) Dans l’article, “F. Engels”, écrit en 1895 (Marx-Engels-Marxisme, p. 37). Engels, cependant, n’a pas déterminé clairement, à cette époque, le rôle de la lutte des classes dans l’histoire; (2) Engels voit dans la concurrence le phénomène essentiel du capitalisme’]