“‘La révolution de Juin est la révolution du désespoir’ et c’est avec la colère muette, avec le sang-froid sinistre du désespoir qu’on combat pour elle; les ouvriers savent qu’ils mènent ‘une lutte à la vie et à la mort’, et devant la gravité terrible de cette lutte le vif esprit français lui-même se tait. L’histoire ne nous offre que deux moments ayant quelque ressemblance avec la lutte qui continue probablement encore en ce moment à Paris: la guerre des esclaves de Rome et l’insurrection lyonnaise de 1834. L’ancienne devise lyonnaise, elle aussi: “Vivre en travaillant ou mourir en combattant”, a de nouveau surgi, soudain, au bout de quatorze ans, inscrite sur les drapeaux. La révolution de Juin est la première qui divise vraiment la société tout entière en deux grands camps ennemis qui sont représentés par le Paris de l’est et le Paris de l’ouest. L’unanimité de la révolution de Février a disparu, cette unanimité poétique, pleine d’illusions éblouissantes, pleine de beaux mensonges et qui fut représentée si dignement par le traître aux belles phrases, Lamartine. Aujourd’hui, la gravité implacable de la réalité met en pièces toutes les promesses séduisantes du 25 février. Les combattants de Février luttent aujourd’hui eux-mêmes les uns contre les autres, et, ce qu’on n’a encore jamais vu, il n’y a plus d’indifférence, tout homme en état de porter les armes participe vraiment à la lutte sur la barricade ou devant la barricade. Les armées qui s’affrontent dans les rues de Paris sont aussi fortes que les armées qui livrèrent la “bataille des nations” de Leipzig. Cela seul prouve l’énorme importance de la révolution de Juin” [Friedrich Engels, Les journées de juin 1848] [(in) Karl Marx, Les luttes de classes en France, 1848-1850. Suivi de ‘Les journées de juin 1848’ par Friedrich Engels, 1967]