“Cela mis à part, c’est pour moi un devoir de ne pas reconnaître, fût-ce par un diplomatique silence, un programme qui, j’en suis convaincu, est absolument condamnable et qui démoralise le Parti. Tout pas fait en avant, tout mouvement réel importe plus qu’une douzaine de programmes. Si donc on se trouvait dans l’impossibilité de dépasser le programme d’Eisenach – et les circonstances ne le permettaient pas – on devait se borner à conclure un accord pour l’action contre l’ennemi commun. On fabrique, au contraire, un programme de principes (au lieu d’ajourner cela à une époque où un pareil programme eût  été préparé par une longue activité commune), ce qui revient à planter publiquement des jalons qui indiqueront au monde entier le niveau du mouvement du Parti. Les chefs des lassalliens venaient à nous, poussés par les circonstances. Si on leur avait déclaré dès l’abord qu’on ne s’engagerait dans aucun marchandage de principes, il leur eût bien fallu se contenter d’un programme d’action ou d’un plan d’organisation en vue de l’action commune. Au lieu de quoi, on leur permet de venir armés de mandats qu’on reconnait soi-même avoir force obligatoire, et ainsi on se rend à la discrétion de gens qui ont besoin de vous. Pour couronner le tout, ils tiennent un nouveau congrès avant le congrès d’unité, tandis que notre parti tient le sien ‘post festum’. [On voulait manifestement escamoter toute critique et bannir toute réflexion de notre propre parti]. On sait que le seul fait de l’union donne satisfaction aux ouvriers, mais on se trompe si l’on pense que ce résultat immédiat n’est pas trop chèrement payé. Au surplus, le programme ne vaut rien, même abstraction faite de la canonisation des articles de fois lassalliens” [Lettre d’envoi de Karl Marx à W. Bracke, Londres, 5 mai 1875] [(in) Marx-Engels, Critiques des programmes de Gotha et d’Erfurt, 1933]