“Depuis plusieurs décennies, l’histoire de l’industrie et du commerce n’est que l’histoire de la révolte des forces productives modernes contre les rapports de production modernes, contre le système de propriété qui est la condition d’existence de la bourgeoisie et de son régime. Il suffit de rappeler les crises commerciales qui, par leur retour périodique, menacent de plus en plus l’existence e la societé bourgeoise. Dans ces crises, une grande partie, non seulement des produits déjà créés, mais encore des forces productives existantes est livrée périodiquement à la destruction. Une épidémie sociale éclate, qui, à toute autre époque, eût semblé absurde: l’épidémie de la surproduction. Brusquement, la société se voit rejetée dans un état de barbarie momentanée; on dirait qu’une famine, une guerre de destruction universelle lui ont coupé les vivres; l’industrie, le commerce semblent anéantis. Et pourquoi? Parce que la société a trop de civilisation, trop de vivres, trop d’industrie, trop de commerce. Les forces productives dont elle dispose ne jouent plus en faveur de la civilisation bourgeoise et du régime de la propriété bourgeoise; elles sont, au contraire, devenues trop puissantes pour les institutions bourgeoises qui ne font plus que le entraver; et dès qu’elles surmontent ces entraves, elles précipitent dans le désordre toute la société bourgeoise et mettent en péril l’existence de la propriété bourgeoise. Les institutions bourgeoises sont devenues trop étroites pour contenir la richesse qu’elles ont créés. Comment la bourgeoisie surmonte-t-elle ces crises? D’une part, en imposant la destruction d’une masse de forces productives; d’autre part, en s’emparant de marchés nouveaux et en exploitant mieux les anciens. Qu’est-ce à dire? Elle prépare des crises plus générales et plus profondes, tout en réduisant les moyens de les prévenir (1)” [Karl Marx, Le Manifeste communiste] [(in) Karl Marx, a cura di Maximilien Rubel, Philosophie, 1997] [(1) Magistral raccourci de la théorie marxienne des crises. Le problème sera repris au livre III du ‘Capital’ et dans les ‘Thèories de la plus-value’ (…). Dans ses ‘Principes’, Engels consacre la question 12 au problème des crises de surproduction, dont il établit la périodicité à “presque régulièrement tous les cinq à sept ans”. Puis, dans la 13e question, il décrit comme suit les conséquences négatives des crises commerciales (…). Marx, on le voit, s’est fortement pénétré de ces passages, et sans doute aussi de la ‘Situation de la classe laborieuse en Angleterre’, où Engels décrit longuement les phénomènes des crises. Andler souligne l’influence que les idées de Buret et de Sismondi ont exércée sur les auteurs du ‘Manifeste’ (l.c., p. 99), mais se trompe lorsqu’il écrit que le paragraphe considéré est “dû entièrement à Engels”. Pour un exposé objectif du problème, voir Léon Sartre, Esquisse d’une théorie marxiste des crises périodiques, Paris, M. Rivière et Cie, 1937, p. 148]