“De même que la bourgeoisie française avait déclaré que tout le peuple était constitué de “citoyens” et mené une lutte sans pitié contre ses ennemis, la classe ouvriére victorieuse doit maintenant transformer tous les citoyens en travailleurs et imposer le travail effectif au bénéfice de la société comme fondement des droits politiques. Tel est le sens de la phrase que Karl Marx a lui-même présentée comme le point cardinal de sa théorie politique: “Entre la société capitaliste et la société communiste, se situe la période de transformation révolutionnaire de l’une en l’autre. À cette période correspond également une phase de transition politique, où l’État ne saurait être autre chose que la ‘dictature révolutionnaire du prolétariat’ (1)”. Marx et Engels etaient démocrates non parce qu’ils soutenaient le modèle parlementaire, mais en tant que partisans du pouvoir du prolétariat, dont la forme dépendra des conditions concrètes et des rapports de forces. Ils se gaussaient de la “démocratie vulgaire qui voit dans la république démocratique le millénium et qui ne soupçonne guère que c’est précisément sous cette forme ultime de l’Etat de la société bourgeoise que devra se livrer la bataille définitive entre les classes…” (2). De même, Engels, critiquant le programme de Gotha, écrivait à Bebel: “Tant que le prolétariat ‘a’ encore ‘besoin’ de l’Etat, ce n’est point pour la liberté, mais pour réprimer ses adversaires” (3). Le lettres écrites par Engels dans les années 1880 anticipaient parfaitement la situation qui s’est présentée en novembre 1918: “Dans tous les cas, notre seul adversaire le jour de la crise et le jour suivant, c’est ‘l’ensemble de la réaction qui se regroupe derrière elle [la démocratie pure]” (4)” [Paul Frölich, Révolution ou contre-révolution?, (in) ‘Révolution et contre-révolution en Allemagne, 1918-1920. De la fondation du Parti communiste au putsch de Kapp’, Editions Science marxiste, 2013] [(1) K. Marx, Critique du programme de Gotha. Gloses marginales du programme du Parti ouvrier allemand, 1875. Oeuvres I, bibl. de la Pléiade, 1963, p. 1429 (ndr); (2) Ibidem, p. 1430; (3) Engels à Bebel, le 18.-28 mars 1875; in Marx-Engels Werke, vol. 34, Dietz, Berlin, 1966, p. 125-131 (ndr); (4) Engels à Bebel, le 11-12 décembre 1884; in Marx-Engels Werke, vol. 36, Dietz, Berlin, 1967, p. 250-254 (ndr)]