“Pour montrer comment les marchandises, ces éléments du processus économique, se rejoignent dans cette unité non réglèe, en d’autres termes, comment le capital constant et le capital variable arrivent à l’équilibre nécessaire dans les différents domaines de l’industrie au cours du développement général de la production, Marx distingue dans la reproduction élargie deux parties solidaires: les entreprises qui fabriquent les moyens de production et celles qui produisent les moyens de consommation. Les entreprises de la première catégorie doivent fournir les machines, les matières premières et les matériaux supplèmentaires aussi bien à elles-mêmes qu’aux entreprises de la seconde catégorie. Celles-ci, à leur tour, doivent fournir les moyens de consommation à elles-mêmes ainsi qu’aux entreprises de la première catégorie. Marx fait l’analyse du mécanisme général de cette corrélation qui constitue la base de l’équilibre dynamique du régime capitaliste (1). La questione de l’agriculture et des ses rapports avec l’industrie se trouve, par conséquent, sur un plan tout à fait different. A ce qui parait, Staline a confondu la production des moyens de consommation avec l’agriculture, tandis que, selon Marx, les entreprises agricoles capitalistes (et seulement capitalistes), produisant les matières premières, sont automatiquement incluses dans la première catégorie, tandis que celles qui produisent les moyens de consommation appartiennent à la seconde. Dans les deux cas, elles sont groupées avec les entreprises industrielles. Le troisième volume examine les particularités que la production agricole présente et qui l’opposent à toute l’industrie. La reproduction élargie ne se fait pas seulement aux dépens de la plus-value, produite par les travailleurs de l’industrie et de l’agriculture capitalistes: elle s’accomplit aussi grâce aux ressources extérieures qui affluent du village pré-capitaliste, des pays arriérès, des colonies, etc…. La plus-value est extraite du village ou dans les colonies sous la forme soit d’un échange inégal, soit d’une perception par contrainte (le plus souvent, l’imposition fiscale), soit de crédits (les caisses d’épargne, les emprunts, etc.). Au cours de l’histoire, toutes ces formes d’exploitation s’unissent dans des proportions différentes, qui jouent un rôle aussi important que la perception de la plus-value “pure”. L’exploitation capitaliste s’approfondit en même temps qu’elle s’élargit. Mais les formules de Marx dont nous parlons, dissèquent soigneusement l’évolution économique concrète, elles dépouillent la reproduction capitaliste de tous les éléments précapitalistes et de toutes les formes transitoires qui l’accompagnent, l’alimentent et l’aident à s’agrandir. Les formules de Marx construisent une sorte de capitalisme “chimiquement pur”, qui n’a jamais existé et qui n’existe nulle part à l’heure actuelle. C’est bien la raison pour laquelle elles démontrent les tendances essentielles ‘du capitalisme’ et rien de plus. Ceux qui ont une idée du ‘Capital’ comprennent parfaitement bien que ni dans le premier, ni dans le second, ni dans le troisième volume de cet ouvrage on ne peut trouver la réponse à la question de savoir comment et a quelle allure la dictature du prolètariat doit accomplir la collectivisation de l’économie rurale. Tous ces problèmes, ainsi que des dizaines d’autres, ne sont pas résolus dans des bouquins; leur nature d’ailleurs ne le permet pas (2). Au fond Staline ressemble beaucoup à un marchand qui chercherait dans la formule de Marx “argent – marchandise- argent” des indications précises sur les produits qu’il devrait acheter pour les vendre ensuite avec le maximum de gain. Staline confond la synthèse théorique avec une ordonnance médicale, et cela, sans dire que chez Marx cette synthèse théorique a trait à une question complètement différente” [(1)’ Les formules du second volume ne parlent pas des crises commerciales et industrielles qui font partie du mécanisme de l’équilibre capitaliste. Ces formules se proposent de prouver qu’avec ou sans crises, l’équilibre est quand même toujours atteint’; (2) ‘Durant les premières années qui suivirent Octobre, nous nous étions souvent opposé à ces tentatives naïves de chercher chez Marx la réponse aux questions qu’il n’avait même pas pu poser. Lénine me soutenait toujours en cela (…)’]  [Léon Trotsky, Stalin théoricien, 1930] [in Léon Trotsky, Écrits, 1928-1940. Tome I, 1955]