“Nous n’avons parlé que d’un aspect du travail salarié: la durée du travail, et nous voyons que le simple achat et la simple vente de la marchandise “force de travail” entraîne des phénomènes singuliers. Il faut ici dire avec Marx: “Notre travailleur, il faut l’avouer, sort de la serre chaude de la production autrement qu’il n’y est entré. Il s’était présenté sur le marché comme possesseur de la marchandise “force de travail”, vis-à-vis de possesseurs d’autres marchandise, marchand en face de marchand. Le contrat par lequel il vendait sa force de travail semblait résulter d’un accord entre deux volontés libres, celle du vendeur et celle de l’acheteur. L’affaire une fois conclue, il se découvre qu’il n’était point un ‘agent libre’; que le temps pour lequel il lui est ‘permis’ de vendre sa force de travail est le temps pour lequel il est ‘forcé’ de la vendre, et qu’en réalité le vampire qui le suce ne le lâche point tant qu’il lui reste un muscle, un nerf, une goutte de sang à exploiter. Pour se défendre contre les “serpents de leurs tourments”, il faut que les ouvriers ne fassent plus qu’une tête et qu’un coeur; que par un grand effort collectif; par une pression de ‘classe’, ils dressent une barrière infranchissable, un”obstacle social’ qui leur interdise de se vendre au capital par ‘contrat libre’, eux et leur progéniture, jusqu’à l’esclavage et la mort (Le Capital, livre I, p. 836). Par les lois sur la protection du travail, la société actuelle reconnaît officiellement pour la première fois que l’égalité et la liberté formelles qui sont le fondement de la production et de l’échange de marchandises, ont fait faillite, qu’elles se sont transformées en leurs contraires, dès lors que la force de travail se présente comme une marchandise” [Rosa Luxemburg, Introduction à l’économie politique, 1970]