“Dans ses polémiques contre les radicaux et les bolcheviks, la droite des partis de la II° Internationale invoqua fréquemment l’autorité d’Engels. Dans le texte écrit en 1895 pour servir d’introduction à la réédition des articles de Marx sur la lutte des classes en France entre 1848 et 1850, il aurait considéré que les progrès de la démocratie, le renforcement des organisations ouvrières et les transformations que l’évolution de la technologie militaire introduisaient dans le combat de rue, rendaient définitivement impossibles et inutiles les méthodes révolutionnaires violentes: c’est par l’action légale et pacifique que le socialisme triompherait. Ainsi les révolutionnaires qui continuaient à considérer que le capitalisme ne pourrait être renversé que par la violence étaient-ils accusés de se cramponner à des idées périmées, au “marxisme des barricades” de la période des révolutions de 1848, que Engels lui-même avait finalement considéré comme dépassé. Par la suite cependant, l’Institut Marx-Engels réussit à montrer que le texte d’Engels publié par la social-démocratie allemand avait été tronqué. Il existe en effet trois versions de l’Introduction d’Engels: l’original qui sera publié en 1934 par l’Institut Marx-Engels, le texte publié en 1895 dans ‘Vorwärts’ qui avait été “condensé” par Liebknecht sans l’autorisation d’Engels et, également publié en 1895 par Kautsky dans ‘Neue Zeit’, un texte qui, avec l’autorisation d’Engels, avait été expurgé de certains passages afin que le journal ne soit pas exposé à des poursuites.” [Pierre Souyri, Le marxisme après Marx, 1970]