“Le Parlement avait déclaré “hors la majorité” la Constitution et, avec elle, sa propre domination. Il avait, par sa décision, supprimé la Constitution, prolongé le pouvoir présidentiel et déclaré en même temps que l’un ne pourrait mourir ni l’autre vivre tant qu’il subsisterait lui-même. Les fossoyeurs qui devaient l’enterrer étaient déjà à sa porte. Pendant qu’il discutait la revision, Bonaparte enlevait au général Baraguay-d’Hilliers, qui se montrait indécis, son commandement de la première division militaire, et nommait à sa place le général Magnan, le vainqueur de Lyon, le héros des journées de décembre, l’une de ses créatures, qui s’était déjà, sous Louis-Philippe, plus ou moins compromis pour lui à l’occasion de l’expédition de Boulogne. Le parti de l’ordre montra, par sa décision concernant la revision, qu’il ne savait ni régner ni servir, ni vivre ni mourir, ni supporter la République ni la renverser, ni maintenir la Constitution ni s’en débarrasser, ni collaborer avec le président ni rompre avec lui. De qui attendait-il donc la solution de toutes ces contradictions? Du calendrier, de la marche des événements. Il cessait de s’attribuer un pouvoir sur les événements, les obligeant ainsi à lui faire violence et provoquait par là la puissance à laquelle il avait, dans sa lutte contre le peuple, abandonné les uns après les autres touts les attributs du pouvoir, jusqu’à ce qu’il apparût lui-même complètement impuissant en face d’elle. Pour permettre au chef du pouvoir exécutif d’elaborer plus tranquillement son plan de campagne contre lui, de renforcer ses moyens d’attaques, de choisir ses armes, de fortifier ses positions, il décida, en plein moment critique, de quitter la scène et de s’ajourner à trois mois, du 10 août au 4 novembre. Le parti parlementaire s’était non seulement divisé en ses deux grande fractions, non seulement chacune de ces fractions s’était divisée elle-même, mais le parti de l’ordre au Parlement était entré en conflit avec la parti de l’ordre ‘en dehors’ du Parlement” [Karl Marx, Le 18-Brumaire de Louis Bonaparte, 1945]