“Les quatre journées d’insurrection du prolétariat parisien, en Juin 1848 ont eu, pour la classe ouvrière tout entière et pour la Seconde République, des lourdes conséquences. Les insurgés de Juin c’étaient les prolétaires insurgés de Février. Eux n’avaient pas changé. Ceux qui avaient changé, c’étaient leurs alliés de Février, les bourgeois republicains, maîtres de l’appareil d’Etat et qui allaient utiliser contre la République démocratique et sociale des barricades de Juin, contre cette République démocratique et sociale qu’ils avaient saluée en Février, les généraux de la monarchie de Louis-Philippe. (…) Cependant la situation du prolétariat à Paris s’aggravait sans cesse. La crise économique antérieure à Fèvrier, continuait. Et voici que les Ateliers nationaux qui, depuis mars, distribuaient en fait des sécours du chômage étaient menacées de suppression. C’était là le terrain de combat trouvé par la bourgeoisie. Il n’y avait plus pour le prolétariat à hésiter. “Les ouvriers n’avaient plus le choix, écrit Karl Marx dans les “Luttes de classes en France”, il leur fallait ou mourir de faim ou engager la lutte…C’était une lutte pour le maintien ou l’anéantissement de l’ordre bourgeois. Le voile qui cachait la République se déchirait”. Quatre journées de guerre civile dans Paris coûtèrent au prolètariat des centaines de morts et des milliers de blessés sur les barricades, au moins 1.500 fusillés sans jugement devant les barricades prises par la troupe. Pendant l’insurrection ou immédiatement après, environ 25.000 arrestations furent opérées. A la suite de tris arbitraires, plus de 11.000 furent confirmées. Les détenus, entassés dans des conditions abominables, soumis aux vengeances sommaires de leurs gardiens, attendirent leur jugement des conseils de guerre. La peine de la transportation frappa, selon l’humeur des militaires, indistinctement des hommes qui avaient combattu et des hommes qui n’avaient pas combattu. Ce fut, au total, pour le prolétariat une saignée comparable seulement à la saignée de la Commune, vingt-trois ans plus tard. Depuis Février, le prolétariat parisien était armé. La répression consista aussi à le désarmer complètement. Sur tout le théâtre d’opération, 100.000 fusils furent ramassés. Dans tous les quartiers qui, selon l’appréciation des vainqueurs, n’avaient pas suffisamment coopéré à la répression, des rafles d’armes furent conduites jusque dans le courant de juillet. Paris était aux mains des soldats, soumis à l’état de siège. La République était frappée à mort. George Sand confiait à un ami: “Je ne crois plus à l’existence d’une République qui commence par tuer ses prolétaires”” [Jean Dautry, A propos d’un centenaire: le coup d’Etat du 2 décembre 1851. (Doctrine et histoire), (in) Cahiers Internationaux, Revue internationale du monde du travail, N° 30, Novembre 1951]