“Avec Karl Marx, le mot révolution prend un caractère beaucoup plus précis et restrictif. D’une part, Marx élimine impitoyablement de sa doctrine le “moralisme”. Ce n’est donc pas en termes de légitimité qu’il traite de la révolution, mais en termes de conformité avec l’implacable déroulement de l’histoire. D’autre part, il réserve sans aucun doute le terme révolution à ce qui suscite le mouvement dialectique de l’histoire, à savoir la lutte des classes. “La bourgeoisie, écrit il avec Engels dans le ‘Manifeste communiste’, a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire. Partout où elle est arrivée au pouvoir, la bourgeoisie a détruit toutes les conditions féodales, patriarcales, idylliques” (Manifeste communiste, traduit par J. Molitor, Paris, 1947, p. 58). Mais, ce faisant, “la bourgeoisie ne s’est pas contentée de forger les armes qui lui donneront la mort; c’est elle encore qui a produit les hommes qui se servent de ces armes – les ouvriers modernes, les ‘proletaires'” (ibid.). On ne peut pas dire plus clairement qu’à partir du triomphe de la bourgeoisie la révolution est essentiellement la lutte de classe que le prolétariat mène contre la classe dominante. “De toutes les classes qui, de nos jours, se trouvent en conflit avec la bourgeoisie, le prolétariat seul est une classe vraiment révolutionnaire” (ibid.)” [J.B. Duroselle, L’Europe de 1815 à nos jours. Vie politique et relations internationales, 1967]