“Or, à ses débuts, ce pouvoir soviétique, dès alors accusé de tant d’horreurs, a été sans doute un des gouvernements révolutionnaires de l’histoire qui s’est le plus appliqué à ménager les vies et toutes les valeurs intellectuelles et artistiques. Attitude qui a contribué, malgré tout ce que la conjoncture avait d’incontrôlable, à ce que les journées révolutionnaires aient été très peu meurtrières et le vandalisme réduit à sa plus simple expression. Le souci de garantir la sécurité et les possibilités de travail des hommes de culture a été une idée fixe de Lénine. Toute cette orientation a pris la forme de mesures explicites et méritoires, parce que souvent difficiles à faire appliquer. La prise du pouvoir par les soviets, au début de novembre 1917, dans toutes les grandes villes russes, fut remarquablement dépourvue d’incidents sanglants (quelques dizaines de morts à Pétrograd en novembre 1917 contre plusieurs milliers de victimes lors de la répression de l’insurrection spartakiste de Berlin un an plus tard), à la seule exception de la résistance prolonguée pendant plusieurs jours des élèves-officier de Moscou. Quant aux contre-révolutionnaires arrêtés pendant cet épisode, il furent, aussi incroyable que cela paraisse aujourd’hui, relâchés sur simple parole de ne plus reprendre les armes contre les soviets (ainsi des Cadets qui défendaient le Palais d’Hiver, du général Krasnov, conseiller militaire de Kérenski, qui rompit sa promesse quelques semaines plus tard, des membres du Gouvernement provisoire, tous remis en liberté dans un premier temps, début décembre 1917) … Certes, dès l’automne 1917 et l’hiver 1918, les conditions terribles de la lutte engagée donnent lieu en peu partout à des actes de violence incontrôlés de plus en plus accéléré va amener l’explosion généralisée de la guerre civile, lorsque l’intervention étrangère commencée en avril 1918 apporte le soutien militaire nécessaire aux ennemis de la révolution. Or, même pour cette période particulièrement difficile, deux remarques sont nécessaires quant à l’attitude adoptée par le pouvoir soviétique. 1. Les seuls cas de fusillades de masse sont liés à des moments particulièrement tragiques de la guerre civile (insurrections sur les arrières de l’Armée rouge, affrontements armés avec des troupes blanches, etc.), et ils ne touchen, en tout état de cause, que des opposants pris ‘les armes à la main’, en train de lutter contre la révolution. Ils n’ont enfin aucun caractère systématique: bien souvent les instances du Parti bolchévik ou des soviets tentent de s’opposer aux agissements de l’Armée rouge ou de la Tchéka (1). 2. A plusierus reprises, le Conseil des commissaires du peuple et l’Exécutif des soviets prennent des mesures pour endiguer la terreur rouge, l’épisode le plus célèbre étant l’adoption par le 6° Congrès pan-russe des soviets in fin 1918 (on est pourtant en pleine guerre civile) du décret sur la «légalité révolutionnaire» que protège les citoyens contre des abus de pouvoir et confère un droit d’appel généralisé auprès des organes supérieurs. Si ce décret s’est avéré d’application délicate jusqu’à la fin des hostilités (1921), il témoigne cependant d’un état d’ésprit très profondément ancré dans le Parti communiste (le 6° Congrès des soviets est en effet le premier congrès à composition purement bolchévique) et surtout il constitue la base de ce qui va devenir «la legalité socialiste» à partir de la NEP. (…) Un mot, enfin, sur l’attitude personelle de Lénine: s’il lui est arrivé de se battre contre l’opinion de la majoroté du Parti bolchevik, favorable avec Kaménev à l’abolition immédiate de la peine de mort au front en novembre et décembre 1917, et s’il a eu parfois la responsabilité écrasante de faire appliquer des mesures sévères en temps de guerre, son hostilité aux violences indiscriminées est cependant constante; un seul exemple: lorsque Bela Kun et Rakosi prirent sur eux, lors d’une mission en Ukraine, de faire fusiller des prisonniers blancs qui s’étaient rendus volontairement, Lénine entra dans une colere si violente qu’ils envisagea un moment de les faire incarcérer malgré leur prestige, et résolut de les expédier en «mission» dans le Turkestan. De même le voit-on atterré des brutalités de Staline et Ordjonikidzé lors de l’invasion de la Géorgie pendant l’hiver 1921, et hostile à l’enrégimentement des syndicats par Trotski. Pourtant Soljénytsine cite une instructions de Lénine, datant de janvier 1918, qui, selon lui, est le véritable point de départ du Goulag. Or cette instruction, qui prône l’arrestation rapide des spéculateurs et des éléments hostiles, est liée à un contexte bien précis: les premiers soulèvements cosaques de l’hiver 1918, qui annoncent le début de la guerre civile, et le développement incessant dans les campagnes des «pogroms» (…). La sévérité des mesures envisagées, en effet, n’est compréhensible qu’en relation avec le climat de l’hiver 1918 et les dangers de famine absolue qui menaçait les grandes villes, faute de mesures énergiques” [Av.Vv, ‘L’URSS et Nous’, Paris, 1978] [(1) Tchéka: mot formé par les initiales des mots russes signifiant «commission extraordinaire», de son nom entier «Commission extraordinaire pour la lutte contre la contre-révolution et le sabotage». Cet organisme de sécurité fondé en 1918 fut remplcé en février 1922 par la ‘Guépéou’ (direction politique d’Etat), poi en décembre 1922 par l”Oguépéou’ (direction politique unifiée d’Etat)] [Lenin-Bibliographical-Materials] [LBM*]
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- Articolo pubblicato:23 Dicembre 2017