“En exil, la protestation contre la guerre va peu à peu s’exprimer modestement. Du 26 au 28 mars 1915, Berne accueille la Conférence socialiste internationale des femmes à l’initiative de Clara Zetkin. Seules des femmes y sont admises. Inessa Armand et quatre autres militantes bolcheviques y participent. La majorité de la conférence, préférant la lutte pour al paix à la préparation d’une révolution, qui lui paraît bien lontaine, rejette la motion rédigée par Lénine et déposée par Inessa Armand, qui prône la préparation de la guerre civile. Sur les conseils de Lénine, installé dans un café voisin, les cinq votent la résolution majoritaire en demandant que le texte de la résolution bolchevique soit publié dans le compte rendu, ce qui sera fait. Inessa Armand, qui devait atteindre le mois suivant l’âge de 41 ans, réussit à participer à la Conférence internationale de la Jeunesse socialiste, convoquée à Berne du 4 au 6 avril. L’événement réunit une poignée de délégués de dix pays à l’initiative du socialiste allemand Willy Munzenberg. Le scénario de la conférence des femmes se reproduit. La conférence vote une résolution «regrettant» l’attitude des dirigeants socialistes et le caractère impérialiste de la guerre, rejetée par 14 voix contre 4. Comme la semaine précédente, elle vote finalement le texte majoritaire mais demande la publication de la motion bolchevique rejetée, ce qui sera également fait. Pendant que se mènent ces débats entre quelques militants internationalistes, la guerre tourne mal pour l’armée russe. (…) Comme dans les autres pays engagés dans le conflit, la guerre mobilise massivement les femmes dans l’économie, «même dans les secteurs qui leur étaient restés totalement interdits jusque-là», écrit Alexandra Kollontaï. Pendant la guerre apparurent «des contrôleurs de tramways et de trains ainsi que des conducteurs de taxis, des portiers, des gardiens, des dockers et des porteurs féminins. De nombreuses femmes travaillent dans les mines ou sur les chantiers de construction, dans les services publics comme la poste. (…) En Russie, les femmes composaient fréquemment la majorité des effectifs de nombreuses professions. (…) La mobilisation vide en effet les usines d’une partie des jeunes ouvriers souvent remplacés par des femmes. Ainsi, en 1917, sur l’ensemble du pays, les femmes représenteront près de la moitié de la main-d’oeuvre industrielle. Ces femmes, comme un peu plus tard en Allemagne et en Autriche-Hongrie, vont constituer un ferment d’agitation, car elles seront les premières frappées par les difficultés de ravitaillement” (pag 154-155); “[Lénine] affirme: «L’expérience de tous les mouvements libérateurs atteste que le succès d’une révolution dépend du degré de participation des femmes», mais souligne que «l’émancipation des ouvrières doit être réalisée par les ouvrières elles-mêmes». Il précise: «Notre tâche consiste è rendre la politique accessible à chaque femme travailleuse» (pag 225-226) [Jean-Jacques Marie, ‘Les femmes dans la révolution russe’, Paris, 2017] [Lenin-Bibliographical-Materials] [LBM*]