“Ce comité, constitué par Marx et ses deux camarades Schapper et Schneider, ne se faisait pas grande illusion sur l’issue du mouvement, que le coup d’Etat royal avait déjà brisé à Berlin (le 6 décembre, l’Assemblée prussienne, qui traînait une assez lamentable agonie, étai dissoute). Il luttait pour l’exemple et pour l’honneur. Le 20 novembre, les trois signataires de l’appel étaient inculpés de rébellion. Le 7 février, c’est le procès de la ‘Nouvelle Gazette rhénane’: Marx, Engels et le gérant sont acquittés. Le lendemain, c’est le procès du Comité: Marx et, à ses côtés, Schapper et Schneider, comparaissent devant le jury et reconnaissent être les auteurs de l’appel incriminé. La défense de Marx est un véritable monument politique. Engels, dans sa préface, en souligne la double importance: “En premier lieu, on voit ici un communiste expliquer aux jurés bourgeois que le devoir propre de leur classe, de la bourgeoisie, était précisement d’accomplir, de pousser jusqu’à leurs dernières conséquences, les actes qu’il a commis et gráce auxquels il comparaît en qualité d’accusé devant eux (1). Qui l’emportera, de la force féodale et monarchique condamnée par l’histoire ou de la bourgeoisie aidée du prolétariat, qui ne s’intéresse à la lutte que pour conquérir ses libertés, ses coudées franches? La bourgeoisie laisse dissoudre son Parlement et désarmer sa garde nationale. “Les communistes montent alors sur la brèche” et somment la bourgeoisie d’agir. “En second lieu…ce plaidoyer défend le point de vue révolutionnaire contre la légalité hypocrite du gouvernement” (2), qui prétend exiger des révolutionnaires le respect des lois qu’il a lui-même violées. Dès le début de sa défense, en effet, Marx, répondant au réquisitoire, engage le combat sur le plan politique et, sans préambule, sans précaution oratoire, comme sans violence verbale, mais avec una force dialectique irrésistible, attaque l’ennemi sur son propre terrain: “Sur quoi le ministère public a-t-il appuyé sa critique de la décision de l’Assemblée nationale de refuser les impôts? Sur les lois du 6 et du 8 avril 1848. Et qu’a fait le gouvernement en octroyant, de sa propre autorité, le 5 décembre, une Constitution et en imposant au pays une nouvelle loi électorale? Il a déchiré les lois du 6 et du 8 avril 1848. Ces lois n’existent plus pour les partisans du gouvernement. Doivent-elles exister encore pour ses adversaires?” “…Après le 5 décembre, … tout moyen devenait légitime contre une faction qui ne reconnaissait plus même les conditions auxquelles elle était un ‘gouvernement’. Le pays ne pouvait plus le reconnaître comme gouvernement” (3)” [Marcel Willard, La défense accuse, 1951] [(1) Karl Marx, L’Allemagne en 1848, 1901, p. 204-205; (2) Id. p. 206; (3) Id. p. 212-213]