“Comment Staline a pu réussir d’abattre un titan comme Trotsky? Trotsky a, lui-même, donné une réponse. “On m’a demandé plus d’une fois, on me demande encore, écrit-il: Comment avez-vous pu perdre le pouvoir? Le plus souvent, cette question montre que l’interlocuteur se représente assez naïvement le pouvoir comme un objet matériel qu’on aurait laissé tomber, comme une montre ou un carnet qu’on aurait perdu. En réalité, lorsque des révolutionnaires qui ont dirigé la conquête du pouvoir arrivent à le perdre “sans combat” ou par catastrophe à une certaine étape, cela signifie que l’influence de certaines idées et de certains états d’âme est décroissante dans la sphère dirigeante de la révolution. Ou bien que la décadence de l’esprit révolutionnaire a lieu dans les masses mêmes, ou bien enfin que l’un et l’autre milieu sont à leur déclin”. Quelque part ailleurs il dit, en parlant de sa lutte contre le stalinisme: “Car il ne s’agit pas de Staline lui-même, mais des forces que Staline exprime sans les comprendre”. En effet; in ne s’agissait pas seulement de la personne de Staline ou de Trotsky, mais des forces qu’ils représentent. Cette lutte entre le nationalisme et l’internationalisme, la lutte entre la contre-révolution qui lève la tête et la révolution qui faiblit. Marx et Engels avaient prévu que la révolution éclaterait d’abord dans les pays économiquement avancés et hautement industrialisés. Leur raisonnement était juste. Si la révolution triompha en Russie avant de triompher dans le pays d’Occident, c’est parce que sous la formidable pression de la guerre dévastatrice la chaîne de l’économie capitaliste mondiale se rompit è son chaînon le plus faible: la Russie, économiquement arriérée. La Russie n’était nullement préparée par le développement d’un régime socialiste. La révolution russe ne pouvait survivre, tel que, sans l’aide de la révolution internationale. Sans cette aide elle était condamnée à périr ou à dégénérer. Lénine comprit cela très bien et exprima cette pensée chaque fois qu’il vint à parler de l’avenir de la révolution russe. Pas un instant ne lui vint l’idée d’admettre la possibilité du socialisme dans un seul pays. Pour lui, la revolution russe n’était que le modeste prologue de l’imminente révolution mondiale” [R. Péro (Adalbert Gottlieb), Léon Davidovitch Trotsky. Un titan de la Révolution. Chef de la Révolution d’Octobre, créateur de l’Armée Rouge, 1937]